FESTIVAL DE CANNES 2024 – Black Dog de Guan Hu

Posté le 19 mai 2024 par

Parmi les quelques films chinois en lisse au Festival de Cannes 2024, Black Dog trouve le chemin de la sélection Un certain regard où il a assurément sa place puisqu’il s’agit à ce jour du long-métrage le plus « auteuriste » de Guan Hu, cinéaste que l’on sait habitué des blockbusters et des productions de guerre à tendance propagandiste.

Lang retourne dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Alors qu’il travaille pour la patrouille locale chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il noue une étrange relation avec l’un d’entre eux. Ces deux âmes solitaires embarquent alors pour un nouveau voyage ensemble.

De la part d’un Guan Hu ayant mis en scène des films comme La Brigade des 800 (2020) ou Sacrifice (2020) au cours des dernières années, et ayant même participé à l’anthologie de courts-métrages commémoratifs My People, My Country (2019) à la gloire de la République populaire de Chine, Black Dog sonne comme un contre-pied franchement inattendu. Non pas qu’il s’agisse d’un film politiquement incorrect, mais plutôt d’un registre dramatique très épuré, typique des talents du cinéma d’auteur chinois contemporain, là où Guan Hu était jusqu’alors connu pour son insatiable quête du spectaculaire et du pathos le plus dégoulinant (choses qu’il maîtrise, d’ailleurs, à merveille).

Dans une petite ville du nord de la Chine, à l’approche des Jeux olympiques de Beijing de 2008, les habitants sont contraints de régler le problème des chiens errants qui transmettent la rage et paralysent les chantiers de construction. Dans l’une des équipes de fortune engagée pour capturer les chiens et les remettre aux autorités compétentes, Lang peine à reconstruire un semblant de quotidien dans sa ville natale après sa remise en liberté conditionnelle, pour un crime que les riverains ne semblent pas avoir oublié, ni pardonné. Si le personnage nous apparaît mystérieux dès les premières secondes, il le sera tout autant par la suite, ne prononçant que deux mots sur l’ensemble du métrage, deux mots qui renvoient à son père, son plus grand regret semble-t-il. Un mutisme assumé comme tel offre à Eddie Peng une performance mémorable, celle d’un protagoniste pathétique victime de sa propre histoire, elle-même racontée et déformée par les autres mais jamais par le premier concerné qui se contente de la subir. Sa route croise un jour celle d’un chien avec lequel il se lie d’amitié, un chien qui ne semble pas si différent de lui, qui copie le moindre de ses faits et gestes jusqu’au coin de mur où Lang a pris pour habitude d’uriner.

Black Dog, à l’évidence, emprunte à l’archétype du chien errant et use d’un contexte social et géographique prédéfini pour raconter le portrait croisé d’une solitude pathologique, incarnée par deux êtres rejetés par les leurs. Guan Hu n’enferme jamais ses sujets dans un cadre resserré mais compose régulièrement avec l’horizon où ces mêmes sujets demeurent seuls, perdus dans l’immensité des paysages et des ruines. Un décor de fin du monde, réduit à l’état de poussière et de bâtiments sommairement habités, mais suffisamment chargés de drames et d’histoires intimes pour s’y attacher. En parallèle, Lang s’occupe des quelques animaux du zoo abandonné de son père et continue d’affronter ses démons qui refusent de lui laisser tourner la page si eux ne le peuvent. Il semblerait manquer d’un pointe de subtilité dans ces incarnations pour faire jaillir une émotion véritable, mais l’ensemble fonctionne autant qu’il offre à l’issue une forme d’exutoire dont nos personnages avaient bien besoin pour panser leurs blessures.

Richard Guerry.

Black Dog de Guan Hu. 2024. Chine. Projeté au Festival de Cannes 2024.

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