FFCP 2023 – Entretien avec Ryoo Seung-wan et Kang Hye-jung pour Smugglers

Posté le 10 novembre 2023 par

Ryoo Seung-wan est un incontournable du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP). Chacun de ses films est un évènement, et tous furent projetés sur les toiles du cinéma Le Publicis. Cette année, il nous a fait l’honneur de venir accompagné de sa femme et productrice Kang Hye-jung pour nous parler de leur nouvelle collaboration : Smugglers, une comédie d’aventure sous-marine, qui met en scène un groupe de plongeuses se lançant dans la contrebande dans la Corée des années 70.

Quelle est la genèse du film ? Comment vous est venu l’idée de mélanger le film de casse et l’aventure de ces plongeuses ?

Le film a commencé grâce à mon producteur M. Cho Sung-min. Alors qu’il était en train de tourner un film en Corée du Sud, il est entré dans un musée et a vu un article sur des haenyo, des plongeuses pêcheuses qui, dans les années 70, auraient été incriminées pour avoir fait de la contrebande. Tout a débuté avec ce fait divers.

… et du coup, comment avez-vous jonglé avec les codes du genre caper movie et ce fait divers ?

En tout cas, le métier de haenyo est très particulier, il n’existe qu’en Corée ou du moins cela s’est développé en Corée, et il est difficile d’associer pour les Coréens ces femmes à des criminels. Et je me suis dit qu’il y avait une opportunité intéressante à raconter, d’une part parce que ce fait se passe dans les années 70, et que ce serait des femmes héroïnes, et qu’il y aurait des crimes liés à l’univers marin. Plutôt que de m’accrocher aux codes du genre, j’ai préféré m’en éloigner et trouver une nouvelle façon d’aborder le genre de film criminel.

 

Kang Hye-jung, comment, depuis un tel pitch de scénario, développe-t-on un tel film jusqu’à sa sortie en salles ?

Ce qui a été décisif est que ce sont des haenyos mêlées à des affaires criminelles, mais je pense que la réussite du film ne repose pas sur des affrontements entre des hommes armés mais plus du contexte marin du film.

On sait que la production est plus difficile depuis la période du covid. Comment s’est-elle déroulée et en quoi cette nouvelle production diffère de vos précédentes collaborations ?

La première différence depuis cette période charnière est que dès, que quelqu’un tombe malade et se trouve positif, il doit être isolé et toute la production doit être arrêtée. C’était impossible à contrôler. Et quand cela touche un acteur ou un membre de l’équipe, cela a des conséquences importantes en termes de coûts et le planning est chamboulé. Et bien sûr, comme il s’agissait pour nous d’un premier film d’aventures sous-marines, c’était très nouveau pour nous et il y avait une très grosse différence entre l’idée que l’on se faisait d’une telle production et la réalité. On devait s’adapter et on apprenait tout en filmant.

Ryoo Seung-wan, comment avez-vous abordé le tournage du film et de ces scènes sous-marines, de leurs conceptions en story board jusqu’à la réalité du tournage en immersion ?

En fait, il y a eu beaucoup trop de premières fois dans ce film, mais avant de continuer je voulais raconter qu’avant le tournage, j’avais déjeuné à Hollywood avec Jerry Bruckheimer, le célèbre producteur de la série des Pirates des Caraïbes. Il est coutumier des tournages sous-marins, et j’en avais profité pour lui demander quelques conseils avant le tournage. Il m’a répondu que moins je tournerais de scènes sous-marines et mieux je me porterais (rires). Bien sûr, on s’était bien préparé mais rien ne s’est passé comme on l’avait anticipé. Mais depuis le tournage du film, l’équipe technique est parfaitement rodée pour les tournages sous-marins, plus rien ne leur échappe, et on en a tellement bavé et souffert que je ne me sens pas de partager avec n’importe qui des expériences durement acquises sur ce tournage (rires). Donc tout ce que je peux vous dire, c’est que vous mettez l’équipe technique dans l’eau, les comédiens dans l’eau et ensuite vous voyez en post production.

Et du coup comment se sont préparées les comédiennes pour ce tournage sous l’eau ?

Je me doutais qu’elle n’étaient pas de très bonnes nageuses, mais pas que les cinq actrices ne savaient pas nager. Et si je ne m’en suis douté c’est que durant le tournage, cela ne se voyait pas. Je ne m’en suis pas rendu compte mais durant trois mois, elles ont appris à plonger. Cette pratique est très différente de la nage. Elles jouaient très bien donc je n’y ai vu que du feu. Et il y en a même qui, à force de plonger, ont appris instinctivement à nager par elles-mêmes.

Le film, dans son développement, est très actuel dans son opposition hommes/femmes. Était-ce voulu ou parfaitement fortuit ?

En effet, on a aujourd’hui en Corée ce grand fossé entre les générations et les sexes. Je pense que c’est un phénomène mondial. D’ailleurs, à la sortie du film, on m’a même reproché d’avoir fait cela de manière intentionnelle pour faire plaisir aux groupes féministes. Mais il s’agit de haenyos, je ne pouvais pas non plus engager des acteurs et les maquiller en femmes tout de même ! (rires). Vous savez, les oppositions sexuelles, intergénérationnelles, la discrimination raciale, le fossé entre les riches et les pauvres, cela a toujours existé, c’est juste qu’aujourd’hui, Internet fait que les informations circulent beaucoup plus, et cela a tendance à intensifier ces différences.

Quelle fut la perception du film par le public et quels sont vos projets ?

KHJ : Il y a une petite différence entre le public coréen et le public étranger. Les Coréens réagissent plus sur les petites nuances de jeux, les anecdotes à travers le jeu de comédiens et leurs dialogues, et à l’étranger, le public est surtout impressionné par les scènes d’action sous-marine. On était ravi parce que c’était des réactions que nous n’avions pas anticipé.

RSW : Il y a toujours des réactions très bonnes et très mauvaises. Pour le public étranger, si vous êtes un peu curieux, n’hésitez pas à voir le film, à le proposer à vos amis pour le regarder. Ce sera l’avis de vos amis qui représentera celui du public étranger. Et si la réaction est mauvaise, ce n’est qu’une minorité, il faut aller chercher d’autres réactions (rires). Mais si la réaction est bonne, il s’agit bien de l’avis de la majorité.

Et le prochain film que vais faire est prévu pour 2025, il s’agit de Veteran 2, la suite du film que vous avez vu ici-même il y a quelques années. Le tournage est terminé, je vais rentrer en post production et nous espérons sortir le film en Corée l’hiver prochain.

Propos recueillis à Paris le 01/11/2023 par Martin Debat et traduits par Yejin Kim.

Remerciements à toute l’équipe du FFCP et Cédric Callier

Smugglers de Ryoo Seung-wan. 2023. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2023

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