FFCP 2023 – Smugglers de Ryoo Seung-wan

Posté le 4 novembre 2023 par

La 18ème édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) s’est ouverte en fanfare avec le nouveau film de Ryoo Seung-wan (grand habitué du FFCP et présent pour l’occasion). Trafic en haute-mer, girl-power, le meilleur (la musique) et le pire (les looks) des années 70 sont au rendez-vous dans cette réjouissante comédie d’action.

Dans les années 1970, dans le village de Guncheon, l’installation d’une usine chimique sur le bord de mer a forcé les haenyo, plongeuses qui gagnent leur vie de la pêche, à changer de voie. Deux d’entre elles, Chun-ja et Jin-sook, se trouvent alors embarquées dans la contrebande au contact de types peu recommandables. Les gains potentiels sont énormes… mais le danger l’est tout autant.

Ce n’est que le début des ennuis pour nos haenyos reconverties. Ainsi, pendant 2h, Smugglers va enchaîner les rebondissements et les retournements sur un rythme effréné, jamais à court d’énergie ou d’idées. Le film met pourtant un peu de temps à se mettre en place. Les premières scènes posent bien les enjeux et les personnages mais elles se diluent en des successions rapides qui peinent à nous embarquer immédiatement dans l’aventure jusqu’à un terrible rebondissement, le premier des nombreux parsemant le film. Le récit change alors son cap et en profite pour ranger nos (faibles) craintes au placard. La suite confirme, s’il le fallait encore, le formidable sens du spectacle de Ryoo Seung-wan et cette capacité à faire cohabiter la menace, le fun et l’émotion avec l’aisance naturelle et l’enthousiasme communicatif des passionnés.

Comme à son habitude, le réalisateur sait tirer parti de son cadre (le village portuaire de Guncheon, victime des débuts de l’industrialisation) et du contexte dans lequel il place son histoire (sous la dictature militaire dans une Corée du Sud encore isolée) sans trop forcer le trait. Avec la collaboration de Kim Jeong-won, il tricote un habile scénario à tiroirs qui multiplie les fausses pistes mais sait ménager ses effets, attentif à ne pas complexifier la narration de manière inutile. On se laisse alors prendre à ces jubilatoire jeux de pouvoir sans jamais perdre le fil des manigances, le film se chargeant toujours de nous mettre dans la confidence.

Si les personnages féminins n’étaient pas absents de la filmographie de Ryoo Seung-wan, la scène du sac dans Veteran étant inoubliable, elles restaient, jusqu’ici, au second plan. Une fois n’est pas coutume, Smugglers place ses femmes au centre de l’intrigue. On peut alors regretter que l’écriture des relations entre les haenyo soit un peu légère et se repose trop sur l’alchimie de ses comédiennes. Néanmoins, on se régale à les voir doubler les hommes stupides, violents ou condescendants qui les sous-estiment et le film compense quelque peu ses faiblesses en leur réservant une mémorable séquence finale en eaux troubles, à mettre aux côtés de la séquence d’évasion de Battleship Island et de la course poursuite en voitures de Escape From Mogadishu. Enfin, Smugglers offre tout de même à Kim Hye-soo un rôle à la hauteur de son charisme et sert généreusement le reste de son casting infiniment cool, donnant au projet une dynamique d’ensemble qui contribue largement au plaisir du spectacle.

Smugglers n’est certainement pas le meilleur film de son auteur mais il est une nouvelle preuve de son brio à proposer un cinéma populaire et divertissant dans la meilleure tradition. Que ce soit dans le pastiche hyper jouissif d’une baston façon Old Boy ou dans la satisfaction réconfortante du triomphe de la solidarité féminine, tout le monde semble beaucoup s’amuser et on s’amuse avec eux. En ceci, Smugglers est aussi entêtant que les airs des chansons 70’s dont il est rempli, et tout aussi joyeux aussi.

Claire Lalaut

Smugglers de Ryoo Seung-wan. 2023. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2023

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