Récompensé à Toronto du prix du meilleur film au Hot Docs International Documentary Festival de 2022, le Blue Island de Chan Tze-woon, témoignage croisé des histoires révolutionnaires chinoises et hongkongaises, accompagnait la cérémonie de clôture de la seconde édition du Festival du Film Hongkongais de Paris.
Ce nouveau documentaire de CHAN (documentariste émergent récompensé de The Yellowing – projeté à Paris en 2019) explore l’état de dépression des citoyens actuels de Hong Kong alors que la Chine consolide son pouvoir sur la métropole.
Il semble aujourd’hui difficile pour les auteurs d’origine hongkongaise de produire des films dont les tendances politiques vont à l’encontre de celles du Parti. Pire encore, lorsque le film en question s’empare directement de la question délicate des manifestations démocratiques, tout particulièrement depuis la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong entrée en vigueur en 2020, en pleine pandémie mondiale. Autant dire que le documentaire de Chan Tze-woon s’aventure en terrain hostile.
Alors que l’identité hongkongaise est progressivement mise en péril par les projets d’unification de la Chine continentale, Blue Island prend à bras le corps la question du particularisme communautaire de la mégalopole asiatique, de la nature même de la culture cantonaise à ses revendications territoriales contemporaines. « Être Hongkongais n’a jamais voulu dire être Chinois« , revendique par exemple le cinéaste Johnnie To, mais la complexité du sujet est telle, aussi bien historiquement que politiquement, qu’il devient nécessaire de lui apporter certaines nuances et de densifier le propos. C’est l’entreprise dans laquelle se lance Chan Tze-woon à partir d’un dispositif pour le moins ingénieux que lui offre le pouvoir de la fiction, lui permettant de croiser les histoires révolutionnaires chinoises et hongkongaises.
Parti à la rencontre des activistes des révolutions démocratiques de Hong Kong, le documentariste leur propose, dans une démarche de reconstitution historique et mémorielle, de rejouer quelques évènements notables de l’histoire mouvementée de la Chine continentale de la seconde moitié du XXème siècle. Première vague migratoire, Grand Bond en avant, Révolution culturelle ou manifestations de Tian’anmen servent ainsi de ponts aux revendications d’aujourd’hui, portant comme message celui que les révoltes qui animent Hong Kong ne sont pas si différentes de celles d’autrefois. Une idée qui donnera naissance au fameux slogan « c’est la révolution de notre temps », et par ailleurs au titre d’un autre documentaire sorti en 2021 : Revolution of Our Times de Kiwi Chow. Pour autant, le dispositif a ses limites et ne parvient pas totalement à unifier les combats dont Blue Island témoigne. Peut-être est-ce la faute à quelques effets de mise en scène purement dramatiques qui, finalement, desservent la direction thématique du métrage lors de certains moments charnières. Mais Chan Tze-woon réalise là un film aussi important pour la postérité qu’il ne l’est pour donner un semblant de voix à ceux qui en ont été privés.
Richard Guerry.
Blue Island de Chan Tze-woon. 2022. Hong Kong. Projeté au Festival du Film Hongkongais de Paris 2023.