VIDEO – La Famille Asada de Nakano Ryota

Posté le 6 juin 2023 par

Après son succès en salles et en festivals bien mérité, la petite bulle de bons sentiments qu’est La Famille Asada de Nakano Ryota s’offre une édition DVD et Blu-Ray chez Art House le 6 juin 2023 à ne surtout pas manquer.

Dans la famille Asada, chacun a un rêve secret : le père aurait aimé être pompier, le grand-frère pilote de formule 1 et la mère se serait bien imaginée en épouse de yakuza ! Masashi, lui, a réalisé le sien : devenir photographe. Grâce à son travail, il va permettre à chacun de réaliser que le bonheur est à portée de main.

Projeté en avant-première dans le cadre des Saisons Hanabi l’année dernière, La Famille Asada n’en est pas à son premier coup d’éclat par chez nous. Nakano Ryota, quant à lui, s’est peu à peu fait connaître pour ses discours bienveillants sur la famille et sur la mort, en ce que ces deux entités, non pas contraires mais tragiquement liées, nourrissent tout autant le chagrin que le réconfort. Her Love Boils Bathwater (2016) dessinait le destin d’une mère en phase terminale et A Long Goodbye (2019), celui d’un vieux monsieur atteint de la maladie d’Alzheimer.

La Famille Asada s’engage une nouvelle fois à poursuivre cette quête des temps perdus, des instants regrettés et des souvenirs indélébiles qu’englobe tout à la fois le cocon familial dans sa dimension consolante. Masashi, le cadet des Asada interprété par Ninomiya Kazunari, est au centre de l’attention. Son intérêt pour la photographie trouvera matière à façonner dans les rêves de chacun, une manière pour Masashi de s’épanouir chez les autres et de rendre hommage à sa famille qui a beaucoup sacrifié pour le bien et l’équilibre du foyer – à l’inverse de lui, excentrique et procrastinateur par nature, ayant de nombreuses années durant navigué en des eaux incertaines avant de trouver sa voie. L’idée est aussi belle qu’ingénieuse : mettre en scène les rêves abandonnés de chaque membre de la famille le temps d’une pose. Un père bedonnant en soldat du feu, un frère bien rangé en pilote de Formule 1 ou une mère modèle en épouse de yakuza, tout le monde a droit à son moment de gloire au sein d’une réalité fantasmée et permise par la capture photographique. Puisque la vérité d’un cliché n’est finalement que la sienne et celle que l’on veut bien lui prêter.

Nakano Ryota est bien conscient de cette magie offerte par la fiction et l’étend à son cinéma tout entier en plaçant son regard au niveau du dernier des dispositifs, nos yeux de spectateur, capables de penser le monde comme de le voir d’une certaine façon selon les manières dont il nous l’est présenté. Les décors paraissent ainsi plus sobres et le montage plus froid lorsque Masashi dialogue avec son frère aîné Yukihiro, en vue de refléter l’exigence et la sévérité de ce dernier, quand les tonalités semblent plus douces du côté des parents, toujours à l’écoute des projets les plus extravagants de Masashi. Une expression typiquement japonaise des relations qui se projettent dans leur environnement, et, plus généralement, dans l’espace filmique.

Aussi La Famille Asada surprend-elle son audience lors d’un basculement dramatique qui survient à la moitié du film. L’année 2011 est tristement célèbre pour le séisme du 11 mars ayant rasé toute une partie de la côté Pacifique du Tohoku. Sans doute marqué par cet évènement notoire dans l’histoire récente du Japon, Nakano Ryota y trouve un terrain idéal pour déployer le mélodrame jusqu’ici relativement absent de son œuvre – ou du moins, un mélodrame jusqu’ici sans ascendance tragique. Masashi se rend sur le lieu de la catastrophe et s’associe à un jeune homme afin de retrouver, nettoyer et restituer les photos de famille éparpillées dans les décombres, seules témoignages des foyers qui se trouvaient là, ou plutôt, seules archives de la vie qui s’y déroulait à l’abri des regards. Les photographies ont le pouvoir de rendre tangibles les souvenirs, d’en emprisonner l’évanescence afin que quiconque puisse se projeter dans les saveurs réconfortantes du passé quand le présent devient trop dur à supporter. Ce ne sont plus de simples images mais des enregistrements de toute une palette d’émotions rattachées au moment de la prise. C’est le réconfort que Nakano Ryota promet et permet à ces sinistrés démunis de leur foyer. Alors nous, spectateurs, nous sentons humblement privilégiés de partager ces précieuses secondes capturées à l’argentique, à cet instant précis où la fiction n’importe plus.

BONUS

Rencontre avec l’équipe du film (25min) : Asada Masashi, photographe dont l’histoire peu commune est racontée par Nakano Ryota dans La Famille Asada, se confie sur les coulisses de son album photo. Lui-même fut le premier surpris par le projet fou de l’adapter en long-métrage, avec tous les enjeux esthétiques que cela implique. Nakano Ryota apporte quelques éléments de réponse par la suite, rejoignant notamment Masashi sur sa conception tendre et positive de la famille. De quoi transcender les différentes formes d’art en jeu. Puis vient enfin le tour d’Ogawa Shinji, producteur du film, pour en raconter la genèse.

Le projet fou de Masashi Asada (1min) : courte vidéo rappelant que La Famille Asada, avant d’être une fiction, est aussi l’adaptation invraisemblable d’un album photo bien réel ! Celui de mettre en scène le temps d’une pose les rêves oubliés de la famille du photographe Asada Masashi.

L’histoire vraie (1min) : un deuxième clip promotionnel évoquant l’importance qu’ont eu les photos de famille d’Asada Masashi lors des recherches des victimes du tsunami de 2011. Pas moins de 60 000 clichés ont été exposés sur les lieux pour que chacun puisse trouver du réconfort et, peut-être, les souvenirs capturés de moments rares que la catastrophe a emportés.

Richard Guerry.

La Famille Asada de Nakano Ryota. Japon. 2020. Disponible en DVD et Blu-Ray chez Art House le 06/06/2023.

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