Présenté dans la section Paysage du dernier Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), Miracle: Letters to the President a conquis les spectateurs qui lui ont attribué le prix du public. Une distinction méritée pour cette attachante plongée dans la Corée des années 80, emmenée par une charmante brochette de comédiens.
Le village isolé où vivent Joon-kyung et sa famille est traversé par une voie de chemin de fer, mais il n’y a pas de gare, ni même de route. Les habitants sont obligés de marcher sur les rails pour rejoindre la ville, au péril de leur vie. Joon-kyung va tout mettre en œuvre pour empêcher les accidents et faire bâtir une gare.
En 2018, Lee Jang-hoon s’essayait, sur le tard, à la réalisation avec Be With You, un joli drame fantastique sur le deuil et la famille. Avec Miracle, il continue sur sa lancée dans un savant mélange de fantaisie et de chronique familiale au potentiel lacrymal sérieusement élevé. S’il s’était cantonné à surfer sur la nostalgie des années 80 et son cadre bucolique à l’extrême (l’image baigne dans une lumière aussi éclatante que les prairies environnantes), Miracle aurait aisément pu donner quelque chose de très artificiel. Très loin de cela, le film agit comme un charme auquel on ne s’attendait pas forcément et qui séduit durablement.
Qu’importe, alors, les quelques soucis de rythme et ses retournements un peu attendus. Miracle assume pleinement ce qu’il est et ne craint pas d’invoquer des grandes émotions. Des émotions, Miracle en regorge dans la meilleure tradition du mélo à la coréenne, grâce au soin apporté aux personnages et à leurs trajectoires. Lee Jang-hoon déroule une narration fluide dans tous ses aspects (la romance, les relations familiales – frère/sœur et père/fils – le récit d’émancipation) en tirant intelligemment parti des fils conducteurs que représentent les lettres écrites par son héros et la gare tant espérée. Ainsi, sous ses airs de tire-larmes, Miracle est, en réalité, une évocation étonnamment sensible du deuil et de la culpabilité de ceux qui restent. Le film compte, bien sûr, les moments de catharsis attendus. Cependant, Lee Jang-hoon a le bon goût de ne pas trop insister et de laisser toute leur place à des scènes plus intimes et moins démonstratives. De la même manière, il n’esquive pas les thèmes les plus sombres effleurés par le récit, mais tâche de les contrebalancer par une bienveillance plutôt rafraichissante.
Dans un film reposant autant sur ses personnages, le casting se devait d’être à la hauteur. On ne pouvait rêver un meilleur interprète que Park Jung-min pour incarner Joon-kyung. Dans ce rôle de petit génie bloqué dans un douloureux passé, l’acteur touche toujours juste avec un naturel désarmant. De quasiment chaque plan, il donne son ton au film avec une prestation complexe au charme singulier . A ses côtés, Lee Sung-min bouleverse de retenue en père taiseux qui ne parvient ni à s’exprimer, ni à se pardonner, tandis que Lim Yoon-a, une vraie boule d’énergie, prend en charge les respirations romanesques. Enfin, dans le rôle de la sœur adorée, Lee Soo-Kyung ancre le film de sa présence douce et lumineuse.
Miracle: Letters to the President revendique des ambitions simples, à travers un récit bien mené et un message optimiste. A son niveau, avec une tendresse communicative et une pointe de poésie, on peut dire que film réussit son coup. Une très jolie surprise.
Claire Lalaut
Miracle: Letters to the President de Lee Jang-hoon. 2021. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2022