FFCP 2022 – Défense d’atterrir de Han Jae-rim

Posté le 3 novembre 2022 par

Parmi les événements de cette 17ème édition du Festival du Film Coréen (FFCP) figurait Défense d’atterrir. Sous la houlette de Han Jae-rim, un habitué du FFCP, tout le gratin du cinéma coréen tente de déjouer un attentat en plein vol.

Une attaque terroriste menée en plein vol. Des passagers touchés l’un après l’autre. Un flic chargé de l’enquête dont l’épouse se trouve dans l’avion. Une compagnie aérienne dépassée. Et aux pilotes, une seule consigne adressée : « défense d’atterrir ».

Film catastrophe à grande échelle (et grande ambition), l’intrigue de Défense d’atterrir combine quelques-uns des grands traumatismes du XXIème siècle, terrorisme aérien et mystérieux virus inarrêtable. Autrement dit, une mine d’opportunités dont le cinéaste Han Jae-rim sait se saisir pendant un bon moment, avant de – la figure est facile mais bien trop tentante – rater son atterrissage, à force de vouloir trop en faire et en dire.

En effet, Défense d’atterrir (ou « déclaration d’urgence », un titre original faisant référence à un protocole aérien rappelé en préambule et bien plus en phase avec la situation se déroulant à l’écran), se distingue surtout dans une première partie qui met habilement les choses en place. Dans un parti-pris plutôt malin, le film déjoue quelques codes du genre, en dévoilant très rapidement ses cartes. L’attentat a lieu dans les premières trente minutes, révélant et son coupable (un Im Siwan dérangeant à souhait, avec sa gueule d’agneau et ses yeux fous) dès la scène d’ouverture. Le scénario a la bonne idée d’évacuer tout aussi rapidement les motivations, par ailleurs assez banales, rendant la situation d’autant plus anxiogène.

L’essentiel de l’intrigue est ailleurs, en vol d’un côté avec une logistique de survie dans un environnement sans issue (le film a la bonne idée de nous épargner le conflit classe éco/classe affaire pour privilégier la panique généralisée) et au sol de l’autre côté, dans la gestion de crise et les dilemmes moraux qu’elle implique. Le découpage des séquences est assez judicieux, chaque action en vol trouvant un écho chez un personnage ou une information au sol, et garantit aussi bien le dynamisme de la réalisation qu’un rythme qui faiblit rarement. En multipliant les tiroirs de l’intrigue, les rebondissements et les révélations, Défense d’atterrir assure indéniablement le spectacle mais ne garde l’audience captive qu’un temps. Passée la première heure prenante, le film perd de plus en plus la maîtrise de son récit, s’éparpillant dans des directions trop nombreuses qui alourdissent le propos et affaiblissent sa portée.

L’absence de réelle implication émotionnelle y est pour beaucoup dans le début de lassitude qui s’installe. En effet, à quelques exceptions près, Défense d’atterrir ne parvient pas à faire exister ses personnages au-delà des archétypes établis. Les excellents comédiens qui composent le casting en or massif ont bien peu de matière à travailler, peut-être justement parce qu’il y a trop de monde et que le film ne prend le temps de développer personne, ou par de vagues ébauches (un pilote traumatisé pour Lee Byun-hun qui fonctionne uniquement parce que Lee Byun-hun l’incarne ; une déclinaison du personnage de flic rustre pas si idiot que Song Kang-ho pourrait faire dans son sommeil, etc.). L’émotion et la tension restent alors en surface, notre empathie étant inversement proportionnelle au capital sympathie de ces acteurs familiers (personne ne veut voir Kim Nam-gil ou Kim So-jin agoniser). Pour un film catastrophe, dont le cœur de l’intrigue repose sur un danger de mort potentiel, il faut bien admettre que cela s’avère être un gros problème sur la longueur. Ce déficit de caractérisation est d’autant plus flagrant dans les moments les plus mélodramatiques  qui ne fonctionnent, en conséquence, que partiellement malgré un fort potentiel dramaturgique.

En s’éternisant plus que nécessaire, Défense d’atterrir rate l’occasion de proposer un final amorcé assez audacieux, alors même que les problématiques explorées par le film sont, pour certaines, passionnantes. A ne rien vouloir laisser de côté, le scénario gâche ses pistes les plus intéressantes (notamment les fameuses limites du protocole d’urgence face à la menace d’une contamination à grande échelle, un ressort bien plus pertinent que celui, plus banal, de l’annonce d’un vaccin) et termine sa course dans un entre-deux quelque peu frustrant entre efficace blockbuster trop boursouflé et réflexion humaniste inaboutie.

Au final, il reste de Défense d’atterrir un début enthousiasmant, des interrogations sur le niveau de carburant que ne renierait pas un professeur de mathématiques et une fin propice à débats et interprétations. C’est peu pour marquer les esprits, au -delà de la séance, mais ce n’est pas si mal pour passer un bon moment.

Claire Lalaut

Défense d’atterrir d’Han Jae-rim. 2021. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2022

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