ETRANGE FESTIVAL 2022 – Hot Blooded de Chun Myung-Gwan

Posté le 16 septembre 2022 par

L’Etrange Festival 2022 nous a permis de découvrir en avant-première française le film de mafia coréen Hot Blooded, première long-métrage du réalisateur Cheon Myeong-Gwan.

Hee-soo (Woo Jung, très bon dans le rôle) est un officier de la mafia sous les ordres de son parrain depuis de nombreuses années. Loyal et rigoureux, il ronge son frein en attendant de décrocher un poste à responsabilités et cesser d’être un simple pion. Malheureusement, la situation demeure au point mort et Hee-soo commence à s’impatienter. Lorsqu’un de ses amis lui propose de devenir son associé dans une combine de jeux d’arcade, Hee-soo finit par accepter et prévient son parrain qu’il quitte ses rangs. Bien évidemment, la mafia ne l’entend pas de cette oreille et Hee-soo se retrouve au centre d’une guerre entre son ancienne et sa nouvelle équipe.

Hot Blooded rappelle de façon parfois troublante les films de mafia hongkongais des années 80 et 90. Nous retrouvons ce héros typique, torturé entre deux chemins de vie que tout oppose. Un accent mis sur les relations qu’il entretient avec ses proches et une cinématographie très haute en couleur et punchy. Néanmoins, ce n’est pas pour autant que le film est un pur copier-coller de ces influences et l’élément qui l’en distingue est notamment la construction de son personnage principal. Il est assez étonnant de voir un protagoniste qui semble découvrir le monde de la mafia alors même qu’il en fait partie depuis des années. Hee-soo est naïf et presque enfantin dans sa caractérisation, ce qui crée un décalage constant entre son cheminement et ses réactions et le décor au sein duquel il évolue. Ce choix scénaristique est tout aussi perturbant qu’il est motivé : nous comprenons vite qu’Hee-soo est sous-estimé et volontairement empêché d’évoluer par ses aînés et qu’il est donc très loin d’occuper une position à la hauteur de ses années de service. Hee-soo est immature parce qu’il a toujours été tenu à l’écart des responsabilités et du pouvoir. Dès lors, son choix de changement de carrière devient parfaitement crédible pour le spectateur, même lorsque l’on se doute qu’il serait bien mal avisé de penser pouvoir sortir de la mafia du jour au lendemain sans y laisser quelques plumes. Il est également assez adroit d’avoir fait le choix de montrer un protagoniste relégué au placard dans son propre milieu, car nous pouvons découvrir de nouveaux éléments que lui-même ignorait jusqu’alors, sans que cela ait l’air justifié uniquement par les besoins du scénario. On également apprécier la rapidité de mise en place de certaines situations qui nécessitent néanmoins parfois de s’accrocher pour bien en cerner les enjeux, tant le rythme du film s’adapte à ce qu’en perçoit son personnage principal.

Il est également assez appréciable de remarquer que le film s’éloigne d’une construction narrative assez classique d’ascension-chute. Hee-soo se démène du début à la fin du film sans (presque) en tirer le moindre profit. Lorsqu’il obtient enfin un semblant de récompense à ses efforts, le film vient systématiquement soit montrer des conséquences immédiates désastreuses, soit questionner la nature appréciable de ces gains. Nous avons alors l’impression d’assister à une tragédie qui se resserre autour du personnage et nous sommes de fait aussi démunis que ce héros qui ne peut que perdre, quoi qu’il choisisse de faire.

Le film tout entier s’adapte à son héros si particulier et nous sentons de véritables efforts de réalisation tout au long de Hot Blooded. En plus d’une recherche assez évidente d’esthétique plaisante à l’œil, la caméra est très flottante et mouvante autour de son personnage principal et illustre intelligemment la désorientation de Hee-soo. De même, il est souvent placé dans une position d’observation au sein du cadre et des séquences. Il réagit davantage qu’il n’agit, ce qui transmet d’autant mieux sa personnalité et son statut au spectateur, tout en rendant les moments où il prend les devants plus percutants encore.

Le film souffre de quelques petits défauts et bémols, tels que certains passages légèrement prévisibles ou un accent mis sur l’émotion parfois un peu trop lourd mais, dans son ensemble, Hot Blooded est très appréciable et se laisse regarder avec plaisir. Un premier film qui donne envie de suivre la carrière à venir de son réalisateur !

Elie Gardel.

Hot Blooded de Cheon Myeong-Gwan. Corée du Sud. 2022. Projeté à L’Etrange Festival 2022.

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