L’année 2022 marque les débuts d’un nouveau festival à Paris : le Festival du Film Hongkongais. Son but est éminemment politique, à savoir faire valoir la voix du camp pro-démocratique après plusieurs années de luttes et de manifestations face au gouvernement hongkongais désormais à charge d’appliquer la politique de Pékin. Pour cela, les organisateurs du festival ont à cœur de montrer en version intégrale les films désormais interdits ou censurés à Hong Kong. May You Stay Forever Young de Rex Ren et Sun Lam peut tout à fait faire office d’étendard de ces deux buts.
Après une manifestation houleuse, YY est désespérée et fait état de la volonté de mettre fin à ses jours. Ses compagnons de lutte traversent Hong Kong de long en large afin de retrouver la jeune fille et la sauver.
May You Stay Forever Young est un film à la portée symbolique proéminente, franchissant parfois le seuil de la naïveté. Cela ne remet pourtant pas en cause une exploration aboutie de thématiques riches et importantes. Dans ce film de Rex Ren et Sun Lam, la voix est donnée à la jeunesse, quitte à égratigner les vieilles générations. On pense alors à N°1 Chung Ying Street de Derek Chiu, film de 2018 dans lequel la vieille génération, qui manifestait contre l’impérialisme anglais et pour Mao dans les années 1960, pour plus de justice et d’émancipation, fait soudain faux bond à la jeune génération. La frontalité de cet aspect dans May You Stay Forever Young réside dans quelques interventions cinglantes et antipathiques des parents des manifestants (étant seulement mus par la tranquillité politique et la recherche de profit), et encore plus dans la diversité des portraits des héros de cette histoire, les manifestants, tous jeunes, parfois pré-adolescents, et disposant pourtant d’une conscience politique entière. Le pitch du film, la recherche de l’une d’entre elle devenue suicidaire, est là pour évoquer un phénomène réel (le fort taux de suicide des manifestants) et surtout, rappelle le mur gigantesque qui se dresse face au camp pro-démocratique hongkongais, et que le risque de baisser les bras face à la vie est bel et bien présent.
Au sujet de l’ancienne génération, un personnage se situe au point médian : l’assistante sociale. Moins âgée que les adeptes de la soumission à Pékin qui parsème le film, elle est revanche un guide pour ces jeunes en proie aux tourments. Pourtant, ce n’est pas son engagement politique qui la caractérise : empêcher une jeune fille de mettre fin à ses jours, c’est son travail. May You Stay Forever Young rend hommage, par le biais de ce protagoniste, à ces métiers d’aide à la population. Faire leur travail, c’est aller dans le bon sens, tantôt dans la médiation, tantôt dans l’action, mais toujours pour protéger les vulnérables. Un corps de métier pivot que l’on retrouve dans un autre film hongkongais contemporain engagé, Drifting, à propos des sans-abris de la ville au port parfumé.
May You Stay Forever Young peut compter sur un développement dramaturgique fort à propos. La narration laisse planer le doute quant à la conclusion de cette intrigue, et permet de dresser, en attendant, une cartographie complète et visuelle du Hong Kong d’aujourd’hui. Le film est ainsi une autre facette du cinéma hongkongais contemporain, qui tend souvent – et c’est logique – à regarder en arrière, notamment avant 1997, année de rétrocession de Hong Kong à la Chine, en terme de contexte scénaristique ou, à défaut, de références en matière de style cinématographique – avec Limbo et Hand Rolled Cigarette, Hong Kong attire de nouveau l’attention sur le polar, son registre de prédilection. May You Stay Forever Young est en revanche un drame porté sur l’humain dans une veine réaliste, un genre qui a essaimé à partir des années 2000 (on pense au formidable Spacked Out de Lawrence Ah Mon) et qui trouve une caisse de résonance en ces temps de trouble politique.
Au bout du tunnel, il y a ce plan final, inondé de lumière et d’espoir, et qui ne cherche pas à tourner autour du pot : l’avenir est à la jeunesse et elle doit s’unir. Le sentiment de confiance domine à ce moment du film, un sentiment qui signifie que le combat continue.
Maxime Bauer.
May You Stay Forever Young de Rex Ren et Sun Lam. Hong Kong. 2021. Projeté dans le cadre du Festival du Film Hongkongais de Paris 2022.