A la suite de En équilibre, Denis Dercourt revient contre toute attente avec un nouveau long-métrage… coréen ! Après avoir été largement diffusé sur le territoire sud-coréen, Vanishing est disponible depuis le 5 avril aux abonnés de Canal +. C’est l’adaptation du roman policier The Killing room de Peter May portée à l’écran par Yoo Yeon-seok et Olga Kurylenko.
L’histoire qui nous est racontée est assez classique et ne vient en aucun cas chambouler les codes d’un genre déjà largement arpenté par le cinéma français et coréen. On y suit Alice Launay, une médecin légiste française en voyage à Séoul pour présenter une méthode révolutionnaire permettant de mettre en évidence les empreintes digitales sur des cadavres en très mauvais état. Elle est approchée par Jin-ho, un inspecteur de police coréen qui enquête sur une affaire de meurtre liée à un réseau de trafic d’organes. Un film classique aussi du côté de la relation amoureuse qui va se tisser entre la médecin légiste et l’inspecteur de police, allant jusqu’à frôler les grand clichés sur « l’amour en Corée » du type : « Les coréens, très réservés sur ces questions, ne se déclarent que lorsqu’ils sont sûrs que c’est la bonne personne. Pour eux, l’amour serait une question très sérieuse, qu’il ne faut pas prendre à la légère ». Néanmoins, la plupart du temps, mis à part l’espace de quelques lignes de dialogues, le film ne tombe pas dans l’orientalisme. Le regard européen de Denis Dercourt n’est jamais bêtement ethnocentré. On sent qu’il a essayé de rendre sa vision de la Corée la plus en prise avec le réel possible. Même si la neutralité n’est qu’utopie, cet effort est louable et se ressent.
Ce film a reçu en France un accueil critique vraiment mitigé, voire complètement négatif, ce qui peut se comprendre. En effet, le film pèche parfois par son écriture et sa mise en scène. Cependant, s’appesantir sur ces critiques serait enfoncer des portes ouvertes, et ne serait pas constructif. Car oui, on peut tirer des choses plutôt intéressantes de ce visionnage.
La rencontre entre cinéma à la française et cinéma à la coréenne est certainement l’élément le plus intriguant de ce film. Lorsque l’on ressort du visionnage, on a un peu cette impression que l’on aurait fusionné un téléfilm policier produit par France 2 avec un blockbuster policier coréen comme Deliver Us From Evil. Tout au long de Vanishing, on alterne entre les codes de ces deux formes de cinéma, aussi bien dans la façon de traiter le drame, les rythmes (variables) de l’enquête, ou la caractérisation des personnages.
Cela tient beaucoup au fait que Denis Dercourt a dû se plier aux façons coréennes de faire un film. Il a réalisé comme en Corée du Sud, c’est-à-dire en menant de front le tournage avec le montage. De même, ne parlant pas le coréen, il a laissé beaucoup de liberté à ses acteurs qu’il a dû diriger bien différemment qu’Albert Dupontel quelques années plus tôt. En somme, on ressent vraiment que le film de Denis Dercourt s’est laissé imprégner de « cinéma coréen », pas seulement dans ses références, mais surtout par la manière dont a été conçu et fabriqué le long-métrage. En cela, on peut considérer Vanishing comme un véritable ovni. Il mérite d’être vu pour sa nature. C’est un film hybride et ça se voit.
Denis Dercourt est sorti de sa zone de confort en tentant une nouvelle expérience. Il n’a pas fait juste un film dont l’intrigue se passerait en Corée, mais a essayé de faire un véritable film coréen adressé au public sud-coréen. Et rien que pour cela, on peut aller y jeter plus qu’un œil. Vanishing n’est pas simplement un film franco-coréen, mais plutôt un film réalisé par un Français qui à voulu s’essayer au cinéma coréen. Nul n’est prophète en son pays. On ne peut que souhaiter beaucoup de réussite à Denis Dercourt dans les salles coréennes comme sur Canal +.
Et à tous les amoureux d’Olga Kurylenko et de Quantum of Solace (si, si, il y en a), vous ne bouderez certainement pas votre plaisir.
Rohan Geslouin
Vanishing de Denis Dercourt. France-Corée du Sud. 2021. Disponible sur Canal +