ARTE.TV – Une Vie simple d’Ann Hui

Posté le 2 juin 2022 par

Figure emblématique de la Nouvelle vague hongkongaise et d’un certain cinéma d’auteur, Ann Hui est loin d’avoir la reconnaissance qu’elle mérite en dehors des frontières de son pays. Succès d’estime auprès de quelques initiés ici, son cinéma sensible et engagé va à coup sûr séduire les spectateurs qui auront la chance de découvrir le film sur Arte.

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Comme son titre l’indique, c’est une histoire simple. Celle d’un producteur de cinéma à succès et de sa fidèle servante, et de leur longue relation. Quand Ah-tao (Deannie Yip) entre en scène, elle paraît tout de suite déconnectée, un peu perdue. Les marchands se moquent d’elle ; elle parle aux animaux. Roger (Andy Lau), lui, de son côté, vit dans l’insouciance, dînant avec des réalisateurs (caméos de Tsui Hark, Stanley Kwan et Sammo Hung entre autres), ne s’occupant que très peu de Ah-tao. Les premières scènes entre eux deux sont très froides. Les rapports sont cordiaux. Évidemment, quelque chose va venir (vite) bouleverser la donne : le malaise cardiaque de Ah-tao.A-Simple-Life-gall3

Plus que l’intrigue assez convenue, c’est toute la sensibilité d’Ann Hui et de ses interprètes, qui fait la différence. On sait exactement où le film nous mène, mais l’important est ailleurs. Dans la mélancolie qui se dégage de l’ensemble, dans la tendresse qu’a la réalisatrice (et nous avec) pour les personnages.

Le traitement réaliste (le chef-opérateur est Yu Lik-wai, qu’on a vu chez Jia Zhang-ke) confère à l’ensemble un certain cachet, qui éloigne au fur et à mesure le film du mélo calibré (chose pas évidente au vu du sujet), et qui le rapproche du drame social. Pas de grandiloquence, ni de violon, tout est dans les petits détails, tout touche à l’intime.

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Aux scènes déchirantes sur les personnes âgées et leur traitement succèdent les bouffées d’airs frais. Et c’est dans ce refus du misérabilisme que réside toute la noblesse du film d’Ann Hui. Une Vie simple n’oublie pas d’être drôle. La réalisatrice n’a de cesse de prendre ses distances avec les personnages (la caméra est souvent éloignée), par pudeur pourrait-on dire, pour laisser « vivre » les personnages aussi. Pourtant, on est tellement proche d’eux que c’en est bouleversant, apprenant petit à petit des bribes de leur vie. De ce procédé classique (des personnages pas forcément aimables que l’on apprend à aimer), Ann Hui parvient à éviter toute mièvrerie.

De par cette simplicité, cette générosité, l’émotion affleure délicatement. La complicité entre Deannie Yip et Andy Lau est palpable et c’est évidemment le cœur du film. Quand Ah-tao apprend à accepter son sort, Roger se rend compte que cette femme a été plus présente pour lui que ses propres parents. La scène où il s’en rend compte est magnifique. Andy Lau, en un regard, émeut.

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C’est donc un très joli moment de cinéma que nous offre Ann Hui. Un film humble, émouvant et pertinent, qui ne cède jamais aux facilités du genre.

Jérémy Coifman.

Une Vie simple d’Ann Hui. Hong Kong. 2011. Disponible sur ARTE