EN SALLES – Detective Conan : La Fiancée de Shibuya de Mitsunaka Susumu

Posté le 18 mai 2022 par

Après la première sortie, l’an dernier, d’un des long-métrages de la franchise Detective ConanThe Scarlet Bullet, Eurozoom réitère l’expérience en distribuant au cinéma Detective Conan : La Fiancée de Shibuya, réalisé par Mitsunaka Susumu, pour le plus grand plaisir des fans de la saga.

 

Nous retrouvons donc Kudo Shinichi, détective adolescent, transformé en enfant de 10 ans par une organisation de malfaiteurs et opérant sous couverture sous le nom de Edogawa Conan, pour une nouvelle aventure. Toute la bande d’amis et de la « famille adoptive » de Conan assiste au mariage des deux agents de police Takagi et Sato, dans le quartier de Shibuya. La cérémonie s’interrompt tandis que des bandits font irruption sur place. Takagi est blessé sous les yeux de Sato, ce qui ravive un souvenir traumatisant à la jeune femme : celui de la mort d’un de ses anciens collègues, Matsuda, il y a quelques années de cela, dont elle était amoureuse. Au même moment, le criminel poseur de bombes à l’origine de la mort de Matsuda s’évade de prison.

Tout comme l’opus précédent, Detective Conan : La Fiancée de Shibuya est un stand-alone au sein de la saga et l’enquête peut être appréciée sans forcément avoir en tête les détails du manga ou de l’anime (les éléments les plus importants sont également encore une fois présentés en introduction du film). Toutefois, il est peut-être préférable de s’initier un minimum si l’on est profane de l’univers, puisque l’on retrouve des références à la trame principale du manga, notamment à l’Organisation Noire, antagoniste principal du petit détective. Il est d’ailleurs surprenant d’apprendre que le réalisateur n’avait jamais travaillé pour la saga tant les renvois sont plus nombreux que dans The Scarlet Bullet.

Detective Conan : La Fiancée de Shibuya se construit légèrement en opposition à The Scarlet Bullet dans son ton. Là où le film précédent cherchait visiblement à séduire un public plus jeune en restant léger et en limitant la violence en montrant des kidnappings plutôt que des meurtres, on revient ici à une audience cible adolescente ou jeune adulte. En prime d’un retour aux sources avec des enquêtes sur des assassinats, les références glissées dans le film prouvent que le film s’adresse davantage à un public plus mature. On peut penser à l’utilisation de colliers explosifs piégés qui renvoient très explicitement à ceux de Battle Royale dans leur design, ou encore au personnage de Furuya, contraint par un de ces mêmes colliers à dispenser des conseils à Conan depuis une cage en verre renforcée, qui évoque une version subvertie bienveillante d’Hannibal Lecter dans Le Silence des agneaux. Néanmoins, nulle bascule dans l’horreur non plus : le film reste assez sage dans les représentations de meurtres et nous assistons à davantage de flammes que de sang (quasi-absent).

La Fiancée de Shibuya présente une enquête somme toute assez classique de Detective Conan (en même temps, est-il possible de faire autrement après 30 ans de publication et une centaine de volumes ?) et à ce titre, nous retrouvons les qualités de la franchise tout autant que certains défauts auxquels il est malheureusement difficile de se soustraire. Tout comme dans The Scarlet Bullet, mais également dans le manga de Aoyama, il est parfois nécessaire de faire abstraction de certaines facilités de scénario mobilisées pour que l’enquête avance sans que le spectateur ne devine tous les tenants et les aboutissants de l’histoire. On assiste ainsi à plusieurs reprises à des nouvelles révélations sur l’investigation survenues durant des ellipses, ce qui peut s’avérer frustrant sur le long terme. De même, la suspension de l’incrédulité est parfois compliquée à maintenir face au traitement que font les policiers du personnage de Conan, en particulier ceux qui ne sont pas censés être au courant qu’ils ont un adulte face à eux et non pas un enfant. Le film a également quelques défauts propres, comme un rapport à la police assez idéalisé qui peut parfois sembler presque naïf pour un film qui se veut plus mature. Le choix d’axer l’histoire autour des personnages de détectives de l’école de police qui sont tous forts, courageux, intelligents, etc., donnent une tonalité un peu moins nuancée à l’ensemble. Sur ce point, il est d’ailleurs peut-être dommage de négliger des personnages qui dynamisent habituellement l’ensemble, en particulier Kogoro, qui n’apparaît que très peu durant cet opus.

Malgré ces (petits) écueils, La Fiancée de Shibuya se distingue par le travail approfondi de la cinématographie et l’image. Les idées visuelles ne cessent d’affluer et offrent des séquences assez mémorables. Les célébrations d’Halloween au carrefour de Shibuya avec des dizaines de personnages affublés du même costume, l’utilisation de couleurs très tranchées et parfois même fluo à l’instar du rose vif des flammes des explosions, la représentation très audacieuse du « palais mental » de Conan… Tous ces éléments contribuent à donner une identité propre au film et donnent envie de voir la saga poursuivre dans cette recherche d’originalité. On retrouve également un accent mis sur l’action plutôt que sur le frisson, qui fonctionnait déjà très bien dans The Scarlet Bullet et qui continue de prouver que le genre sied à Detective Conan dans La Fiancée de Shibuya, encore plus travaillé dans son rythme et la démesure de certains passages que son prédécesseur. On ne s’ennuie pas devant le film, ce qui contribue grandement à éclipser les quelques défauts cités.

Encore une fois, les afficionados des aventures du détective en culotte courte devraient trouver leur compte devant un film qui, s’il ne réinvente pas non plus la roue, la personnalise suffisamment pour garantir un visionnage immersif et stimulant.

Elie Gardel

Detective Conan : La Fiancée de Shibuya de Mitsunaka Susumu. Japon. 2022. En salles le 18/05/2022