BLACK MOVIE 2022 – The Falls de Chung Mong-hong

Posté le 28 janvier 2022 par

Au programme du festival Black Movie 2022, Chung Mong-hong place une nouvelle fois Taïwan sur le devant de la scène avec sa dernière réalisation en date, The Falls, qui représentera le cinéma de l’île lors de la 94ème cérémonie des Oscars.

Xiao Jing, adolescente introvertie, se retrouve en quarantaine avec sa mère Pin Wen, autoritaire et maniaque, avec laquelle elle entretient une relation explosive. Le comportement de Pin Wen devient de plus en plus erratique. Un soir, elle s’enfuit sans raison apparente dans les rues sous un orage violent.

Chung Mong-hong n’est plus un illustre inconnu dans le paysage cinématographique taïwanais. Habitué des festivals internationaux depuis Parking (2008), il gagne les faveurs et les écrans du public avec A Sun (2019) sur Netflix, et entreprend de poursuivre dans The Falls ce qui faisait la beauté de son précédent métrage : les relations parents-enfants. La pandémie du Covid-19 a quelque peu mis les rouages de l’industrie mondiale aux arrêts, mais pour Taïwan, où la gestion de la crise fut efficace, les artisans du cinéma continuent de manufacturer les films qui accompagnent l’essor des productions locales. Chung Mong-hong, loin d’envisager les mesures sanitaires comme une contrainte, les utilise à son avantage pour rendre compte de la promiscuité qu’implique la quarantaine. Masques à la maison, contrôles draconiens, tout semble n’être qu’un prétexte habile à l’étude de l’être contemporain dans ses relations avec autrui, observé au sein d’un décor réduit où les plus fortes émotions de chacun tendent à investir le cadre. The Falls doit en ce sens la puissance du drame familial à ses comédiens, en première ligne la mère interprétée par Alyssa Chia, et la fille par Gingle Wang, dont la présence magnétique impressionne depuis le film d’horreur Detention (2019) de John Hsu qui prenait place pendant la Terreur blanche. S’ajoutent au casting les non moins talentueux Liu Guan-ting (A Sun, My Missing Valentine, Classmate Minus…) et Chen Yi-wen, grand acteur du temps d’Edward Yang, à qui le rôle du père de A Sun avait été offert.

Proportionnel aux sentiments cloisonnés par l’espace, le microcosme dressé accueille et épouse les performances en retenue de ces personnages, tout en inversant le sens des relations parmi le foyer. Ce n’est plus, comme le souligne Chung en entretien, la mère qui prend soin de la fille, mais cette dernière qui subit l’instabilité émotionnelle de sa mère des suites de son divorce et de la pression au bureau. Dans cet environnement quotidien peu propice au dialogue ainsi qu’à la complicité entre les deux femmes, les reproches fusent en silence par un regard coupable ou accusateur, et imprègnent l’atmosphère de l’appartement d’un certain malaise que le spectateur est sans cesse invité à ressentir. Un virage au milieu du film viendra cependant remettre en considération ce rapport amour-haine. The Falls traite en effet tout aussi bien des troubles psychologiques ; il s’agit même du ciment autant que du moteur des relations familiales dépeintes. La crise dont il est question est bien intérieure, enfouie par mégarde et retardée du fait des épreuves que chaque personnage rencontre. La fille doit dès lors apprendre à reconfigurer la relation qu’elle entretient avec sa mère, chose que la mise en scène capture en matérialisant les conflits en orage, en incendie, ou encore par le changement de point de vue qui n’est jamais omniscient.

Comme toujours chez Chung Mong-hong, l’esthétique allie élégance et sobriété. Ponctuées de superbes plans signatures de la skyline de Taipei, les scènes d’intérieur sont composées et découpées de sorte que le spectateur cerne de suite les enjeux entre les différents protagonistes. Néanmoins, et bien que l’ensemble du tableau soit réalisé avec le plus grand soin, The Falls souffre en un sens de la monotonie de sa mise en scène qui semble ne pas suffisamment mettre en relief l’ampleur dramatique des relations. À garnir son film de nombreux sous-textes (pandémie, psychiatrie, divorce, emploi…), Chung en délaisse parfois l’essentiel au profit du négligeable. Pourrait également être reproché à la caméra de ne pas épouser le renfermement et l’étouffant qui en résulte, les plans d’intérieur étant souvent larges et peu aptes à saisir les traits du visage. Lu Luming signe de son côté une très belle bande originale, mais sans doute trop éloignée, en matière d’ambiance, du ton que le film tente de préserver.

Malgré les défauts qui font de The Falls un ouvrage peut-être mineur de sa filmographie, Chung Mong-hong fait montre de son talent lorsqu’il s’agit d’écrire et d’inscrire des personnages dans un espace où les non-dits côtoient l’implosion. Après sa projection au Black Movie 2022, espérons qu’il nous soit accessible en salles ou disponible sur une plateforme.

Richard Guerry.

The Falls de Chung Mong-hong. Taïwan. 2021. Sélectionné au Black Movie 2022.

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