Pour la nouvelle année, Mubi a concocté un focus sur le réalisateur japonais Kobayashi Masaki. On commence cette mini-rétro avec Hara-kiri, un grand classique du chanbara.
Hara-kiri n’a pas volé son statut de pur chef-d’œuvre, loin s’en faut. Il marque évidemment par son scénario, osé, qui dénonce le code d’honneur des samouraïs, allant très loin dans la critique de la société de l’époque mais à travers cela, il parle bien évidemment du Japon moderne. Hara-kiri raconte en effet l’histoire d’un rōnin, mal rasé et en haillons, qui vient devant la demeure d’un riche clan, proche du shogun. Il a pour requête de se faire seppuku (le suicide rituel) dans leur cour, ne supportant plus sa vie miséreuse. Mais, en ces temps troublés où la paix est une malédiction pour les samouraïs, de nombreux rōnins agissent ainsi, avec l’espoir qu’on leur fasse l’aumône pour les empêcher de se tuer. L’intendant du clan raconte, pour dissuader son interlocuteur, la tragique histoire d’un jeune homme s’étant présenté, peu de temps auparavant, avec la même demande. Cette histoire, simple, est racontée de manière épurée à travers différents flashbacks. Chaque geste, chaque parole, chaque regard sont nécessaires, précis, clairs. Il n’y a rien de trop dans ce métrage au découpage éblouissant.
Mais surtout, par une réalisation sans faille, posée, calme, la caméra étant souvent immobile, lors de longs plans aux personnages presque statiques, ou bougeant très légèrement. Certaines scènes, en apparence très simples, sont ainsi transcendées par le génie de Kobayashi. Avec lui, un simple dialogue entre notre rōnin et l’intendant, au milieu des gardes, est sublimée grâce à l’abandon du traditionnel champ-contrechamp. À la place, la caméra, immobile, se place derrière l’intendant, qui se retrouve dos au spectateur, et en face de lui le héros. La réalisation est en fait aussi épurée et précise que l’histoire. Chaque décor, chaque mouvement de caméra, chaque plan ont une signification précise, appuient et servent l’histoire. Aucune esbroufe, tout est clair et précis. De même, l’utilisation de la musique, une musique traditionnelle minimaliste, positionnée à des moments-clés, apporte beaucoup au film, et, quand la violence survient – ce qui se produit rarement – c’est avec de grandes et impressionnantes effusions de sang (le combat final est impressionnant). Ainsi, beaucoup de séquences ressemblent à des tableaux. Les décors sont souvent magnifiques, d’une beauté sombre et presque effrayante (le lieu du duel face au maître d’armes en est le meilleur exemple) et, souvent, personne ou presque ne bouge. Les samouraïs, en effet, font preuve d’une grande économie de mouvement, et il n’est pas rare de voir notre rōnin immobile parler alors qu’il est entouré d’un grand nombre de gardes tout aussi statufiés.
Au final, Hara-kiri est un film d’exception et se doit d’être (re)découvert.
Yannik Vanesse
Hara-kiri de Kobayashi Masaki. Japon. 1962. En ligne sur Mubi.