Étrange Festival 2021 – Une Poupée gonflable dans le désert de Yamatoya Atsushi

Posté le 11 septembre 2021 par

Cette année, L’Étrange Festival présente un focus sur le réalisateur japonais Yamatoya Atsushi avec la projection, notamment, d’Une Poupée gonflable dans le désert, polar labyrinthique et existentiel.

Une Poupée gonflable dans le désert est une œuvre emblématique de cette période du courant des sixties où le pinku était un genre s’inscrivant dans la contre-culture et l’avant-garde. Son réalisateur Yamatoya Atsushi, de par son parcours, excelle justement à naviguer entre les codes du cinéma de genre et une veine plus arty. Il débute en tant qu’assistant-réalisateur au sein de la Nikkatsu sans parvenir à entrer dans le moule, avant de se reconvertir scénariste et aussi mener une courte carrière de réalisateur avec quatre films. Il a pour mentor Wakamatsu Koji qui repérera son talent et l’engagera pour lui écrire La Vierge violente (1969). Yamatoya fait également partie du « Groupe des huit », ensemble d’artistes entourant Suzuki Seijun pour lequel il écrira le fameux La Marque du tueur (1967). Enfin, Yamatoya a fait des préceptes théoriques de Matsumoto Toshio (réalisateur des Funérailles des roses (1969)) sa profession de foi et écrira d’ailleurs plus tard pour lui l’adaptation du roman Dogra Magra de Yumeno Kyusaku.

Une Poupée gonflable dans le désert est donc un mariage de cette somme d’influences. Le film, dans la lignée de ses contemporains La Marque du tueur ou Le Point de non-retour de John Boorman (1967), adopte une intrigue et un pur personnage de polar hard-boiled. Comme dans ces deux films, le postulat ainsi que le héros dur à cuire sont progressivement déconstruits pour emmener le récit ailleurs. Yamatoya donne un tour décalé aux passages obligés telle cette scène où Sho (Minato Yuichi) démontre ses aptitudes au revolver en faisant tomber un arbre en quelques tirs. La caractérisation du personnage en fait un bulldozer avançant avec détermination, distribuant gifles, coups de feu et conquêtes féminines (toujours à la manière du Lee Marvin du Point de non-retour) avant que se révèlent ses failles. L’argument de départ, celui de la mission de Sho devant retrouver la fiancée kidnappée de son commanditaire, en cache un autre plus intime. Sho poursuit une vengeance envers celui qui tua sa fiancée.

La mise en scène et la narration cryptique nous perdent donc dans un maelstrom de séquences hallucinées qui s’étirent jusqu’à possiblement suggérer qu’une bonne partie du film est rêvée. Les indices pointent dès l’ouverture (le leitmotiv de la mort annoncée à l’horaire de 15h qui revient à la fin) et l’invulnérabilité du héros virant au grotesque appuient ce côté « autre ». Sans égaler ses illustres contemporains évoqués plus haut, Yamatoya signe une œuvre singulière et captivante.

Justin Kwedi

Une Poupée gonflable dans le désert de Yamatoya Atsushi. Japon. 1967. Projeté à L’Étrange Festival 2021