Avec Les Sorcières de l’Orient, qui sort aujourd’hui en salles après des passages en festivals, Julien Faraut revient sur l’épopée de joueuses japonaises de volley-ball. Une épopée qui les mènera de l’usine à leur victoire aux Jeux Olympiques de 1964. Un documentaire qui mélange les images d’archives, les souvenirs de cinq joueuses maintenant septuagénaires et des extraits d’un dessin animé inspiré de leurs exploits sportifs.
Exceptionnel parcours que celui de cette équipe féminine de volley-ball du Japon. Originellement composée d’ouvrières d’une usine de filature, l’équipe atteint en 1960 la finale des championnats du monde. Une finale perdue contre l’URSS. La légende de cette équipe va se construire juste après ce championnat : elle va enchaîner une série de 258 victoires jusqu’en 1966 ! Un record à ce jour inégalé qui a vu ces Sorcières de l’Orient triompher au championnat du monde de 1962 (encore contre l’URSS) et aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 (toujours contre l’URSS !).
Julien Faraut a réuni dans son film cinq joueuses qui se remémorent ces années de compétitions internationales, notamment les entraînements drastiques organisés le soir après le travail à l’usine, à partir de 17h… et parfois jusqu’à l’aube. Des entraînements militaires menés par le « tyrannique » Daimatsu, ancien soldat connu pour avoir survécu plusieurs mois dans la jungle birmane pendant la Seconde Guerre mondiale, entre faim et fatigue. Des images d’archives nous montrent des extraits de ces entraînements de fer où les limites physiques sont poussées à l’extrême, jusqu’à l’épuisement total et le point de rupture. Les joueuses sont alors vues comme des jouets masochistes bombardés par les lancers de balles du robotique et impassible Daimatsu. Un comportement d’ailleurs dénoncé à l’époque dans la presse étrangère et qui deviendra un archétype dans les mangas et animés de volley-ball comme Attaku n°1 ou Jeanne et Serge.
Le parcours de cette équipe de volley-ball apparaît comme un symbole de l’histoire du Japon : le redressement d’un pays, depuis les décombres de 1945 jusqu’à son essor économique des années 60, et ce, grâce à un travail sans limite, un dépassement de soi permanent qui frise l’obsession. Cette dimension historique prend tout son sens dans la dernière partie du film consacrée aux Jeux Olympiques de 1964. Cet événement planétaire télédiffusé par satellites dans le monde entier sonne comme un revanche du Japon qui devait organiser les JO (finalement annulés) en 1940. Les JO permettent donc de délivrer un message politique clair. Ce n’est pas un hasard si la flamme olympique est allumée par l’athlète Sakai Yoshinori, né à Hiroshima le 6 août 1945, jour du bombardement par la bombe atomique.
Documentariste, Julien Faraut est également en charge des archives 16mm liées au sport à l’Institut National du Sport. Cela est perceptible dans Les Sorcières de l’Orient qui met en avant de nombreuses archives : des extraits du court-métrage Le Prix de la victoire de Shibuya Nokubiko (primé à Cannes en 1963, ce film montre la journée des mêmes joueuses de volley-ball, la journée à l’usine et le soir à l’entraînement sportif), des extraits du dessin animé Attaku n°1, des émissions de télévision… Tout cela monté pour créer une tension et un suspens alors que le spectateur connaît déjà l’issue victorieuse de l’équipe de volley-ball.
Avec Les Sorcières de l’Orient, Julien Faraut continue son travail sur les liens entre sport, cinéma et politique, commencé en 2013 par Regard neuf sur Olympia 52, et poursuivi en 2018 par John McEnroe : l’empire de la perfection.
Marc L’Helgoualc’h
Les Sorcières de l’Orient de Julien Faraut. France. 2021. En salles le 28/07/2021.
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