NIFFF 2021 – Tonkatsu DJ Age-Taro de Ninomiya Ken : DJ breakdown

Posté le 20 juillet 2021 par

Tonkatsu DJ Agetero est à l’origine un manga comique de Yipiao et Koyama Yujiro. Inédit en France, la superbe petite série animée dérivée de douze épisodes s’est toutefois frayée un chemin sur les plateformes de simulcast puis en DVD. Cette adaptation a su fédérer une niche de fans, charmés par la bonne humeur permanente à l’écran et le style graphique alternatif. Le film-live réalisé par Ninomiya Ken, sorti sur les écrans japonais en 2020, a été sélectionné au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) de 2021 !

Agetaro travaille dans le restaurant de tonkatsu (porc pané japonais) de son père. Lui et ses copains passent leur temps à rêver d’une vie plus trépidante, d’autant qu’ils sont localisés à Shibuya, le quartier festif et branché de Tokyo ! D’ailleurs, Agetaro est amoureux de la voisine d’en face, Sonoko, qui travaille dans la mode et se rend régulièrement en club. Un soir, Agetaro doit livrer un tonkatsu dans une boîte de nuit, et là, il a une révélation : il veut devenir DJ ! Pour commencer, il monte un clip marrant avec ses potes et devient la coqueluche des internets !

Si l’on aborde le travail du scénariste et réalisateur Ninomiya Ken d’un œil vierge, on observe une intrigue qui cherche à présenter une situation un peu décalée, celle d’un garçon qui aimerait devenir la star des nuits de Shibuya et séduire celle qui en est la reine. Pour cela, il va devoir apprendre à se servir de ses platines, montrer ce dont il est capable lors d’un concours de DJ et se délester de l’image de bête de foire d’internet qu’il a malencontreusement acquise, dans son inexpérience. Le métrage articule sur sa durée des gags autour d’un récit d’apprentissage, registre si fécond dans la fiction japonaise. Les gags ne sont finalement pas très nombreux et tombent souvent à plat, de par un cruel manque de rythme. Le scénario ne se montre pas d’une grande complexité, et se résume à une succession d’échecs durant l’initiation au DJing, jusqu’au zénith final.

Le problème de Tonkatsu DJ Age-Taro, le film live-action, est qu’il n’échappe pas à la dure comparaison avec le matériau d’origine (et son versant animé). Quel est le charme de la licence ? Probablement l’absence total d’enjeu et de mécanique dramatique, ainsi que la montée rapide et irréaliste d’Agetaro sur le devant de la scène tokyoïte, permettant ainsi un max de gags et de bonne humeur. Parmi ces gags, le plus incontournable est le parallèle que lui offre le DJ Big Master Fry, entre le fait s’adonner au DJing et à la cuisine de tonkatsu. Un tel concept est burlesque, décalé et surtout, rare d’un point de vue narratif. Un épisode de l’animé dure 10 minutes, se déploie autour d’une idée comique et enchaîne les gags. Le mot d’ordre est la bonne humeur : les ondes positives de l’animé proviennent de cette absence de toute initiation sérieuse à cette nouvelle discipline, Agetaro étant lui-même surpris d’être reconnu avec bienveillance comme DJ dans la rue alors qu’il n’est qu’un modeste employé de restaurant. Ou alors, faut-il voir dans ces semblants d’exercices et de préparation au DJing une pure parodie du concept du nekketsu, tant rien ne vient réellement se mettre en travers des personnages, et c’est cela qui est à mourir de rire, et de douceur. Rien de toutes ces qualités n’est repris dans le film de Ninomiya Ken. Le personnage de Big Master Fry a été supprimé, alors que c’est lui qui amorce le concept dans l’animé. La phase de pose de l’intrigue se rend alors bien plus laborieuse, Agetaro se fiant à son second maître, DJ Oily. Bien que l’idée du phénomène viral sur Youtube n’est pas mauvaise en soi, le film se base sur une construction qui est en rupture avec le concept de base : des séquences rapides et sans enjeu. Ici, Agetaro va entrer dans une longue phase d’apprentissage qui ne ressemble pas à ce que les aficionados de l’animé ont vu et aimé. Le problème principal est là, et il est commun avec beaucoup d’autres films adaptés de par le monde : seul le verni visuel a été conservé, au détriment de ce qui faisait le sel de la franchise et au profit d’une formulé éprouvée et galvaudée.

Le film live Tonkatsu DJ Age-Taro capitalise sur le succès de ses personnages colorés, mais ne montre aucune réelle idée de mise en scène, un rythme bancal et un scénario maigre. Il est prouvé une fois de plus qu’il est très difficile d’adapter un concept basé sur des pastilles comiques en long-métrage, d’autant plus si ce n’est pour en extraire aucune des qualités intrinsèques. La version de Ninomiya Ken se révèle tristement vide…

Maxime Bauer.

Tonkatsu DJ Age-Taro de Ninomiya Ken. Japon. 2020. Sélectionné au NIFFF 2021.