David Tredler, programmateur du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), a dit « Evaporated, c’est le genre de film qui nous apparaît comme une évidence à sélectionner ». Le documentaire de Kim Sung-min, dont c’est le premier travail dans l’industrie cinématographique coréenne, a été projeté pendant la 15ème édition, lors de la reprise de juin 2021.
Le 4 avril 2000, Joon-won, 5 ans, n’est pas rentrée chez elle. Elle est sortie jouer après l’école, devant l’immeuble où habitait sa famille, et n’est jamais revenue. Elle n’a laissé aucune trace. Son père vit dans un processus d’enquête permanente depuis 20 longues années, ce qui n’est pas sans avoir affecté gravement sa vie de famille. Le documentaire montre comment son épouse n’a pas su tenir le coup autant que lui et est partie refaire sa vie seule. Sa fille aînée a vécu sa jeunesse avec un père absent, physiquement ou psychologiquement, à l’autre bout de la Corée à la recherche du moindre indice ou dans un état de préoccupation intense à la maison. La pauvre jeune femme en a fait une lourde dépression. Seule la benjamine, très jeune au moment des faits, montre des signes de foi en l’avenir en menant tout simplement ses études, heureuse à la remise des prix ; des instants qui font respirer le récit. Dans le film, un début d’espoir semble renaître à travers les résultats d’une enquête de police. Une fille née vers 1995, comme Joon-won, et dont le visage pourrait être le sien, n’a été déclarée qu’en 2001 à la mairie. Une piste qui n’aboutira malheureusement pas, test ADN à l’appui. Le père de Joon-won recherche toujours sa fille cadette à l’heure actuelle.
La première demi-heure laisse craindre un surplus de mise en scène, une emphase cinématographique à travers une musique appuyée et un début de misérabilisme narratif. Fort heureusement, il s’agit d’une simple amorce, ces éléments étant tous abandonnés au fur et à mesure au profit d’un simple suivi de l’enquête et un portrait de la vie du père de Joon-won. Le film est beau quand il parle du manque, certes, mais il ne l’est plus, passé un certain stade, au point d’oublier son objectif : donner de la visibilité au cas de Joon-won. Le métrage est complet dans l’explication de l’affaire et attire l’intérêt de l’opinion publique, y compris dans le monde entier puisque des annonces sont diffusées dans des festivals internationaux. Ainsi, la communication autour de la tragédie n’en est que plus massive et couvre une large audience, probablement plus que par n’importe quel autre biais. On n’imagine pas des écrits ou des émissions télévisées sur le sujet fleurir un peu partout, a contrario d’un documentaire art et essai qui connaît une certaine longévité dans l’industrie cinématographique mondiale.
Il est très difficile de conserver de l’espoir face au temps qui passe inexorablement, mais à présent, nous sommes plus nombreux à avoir vu le visage de Joon-won, nous connaissons son existence et c’est en cela que la démarche du réalisateur, en collaboration avec la famille de Joon-won et la police coréenne, est importante. Choi Joon-won a disparu le 4 avril 2000, dans son quartier. Il se peut qu’elle soit aller voir un copain dans le restaurant chinois tenu par ses parents, ou bien qu’elle soit partie en direction du cours privé de sa grande sœur. Elle se serait alors évaporée sur le chemin. Voilà ce que le film veut nous dire. La détresse de la famille Choi est criante et ne peut qu’interpeller les spectateurs.
Maxime Bauer.
Evaporated de Kim Sung-min. Corée du Sud. 2019. Projeté dans le cadre du Festival du Film à Paris 2020 (reprise de juin 2021).