Les amateurs des intrigues à tiroirs en auront pour leur argent avec The Soul, disponible sur Netflix depuis le 14 avril. Le thriller futuriste de Cheng Wei-hao use la mécanique du twist jusqu’à l’épuisement mais s’avère bien plus intéressant que prévu dans son propos.
Dans un Taïwan futuriste, un procureur (Chang Chen) et sa compagne policière (Janine Chang) enquêtent sur la mort d’un homme d’affaires. Au fil de l’investigation, ils découvrent des secrets occultes et se voient obligés de se confronter à leurs propres problèmes de vie ou de mort.
Sur la seule affiche et bande-annonce de The Soul, on pouvait s’attendre à une série B de science-fiction, mâtinée d’un peu d’horreur, qui annonçait soit un honnête divertissement du samedi soir, soit un potentiel navet générique. Au fur et à mesure que l’on avance dans ce thriller fantastique empruntant aux codes du mélodrame intime, le drôle d’objet que se révèle être le film de Cheng Wei-hao est peut-être alors le plus gros twist de tous.
Côté mise en scène pourtant, la réalisation de The Soul manque un peu d’âme malgré quelques bonnes idées sur des petits détails de scènes et l’installation d’une atmosphère intrigante. Le film accumule les références sans forcément y apporter sa patte. Aussi, on lorgne clairement sur l’esthétique d’œuvres telles que Blade Runner, Bienvenue à Gattaca, des univers à la Philip K. Dick, mais on y croise également, en vrac, l’influence visuelle d’Andrew Lau et Alan Mak (avec moins de brio) ou encore des ambiances inspirées des contes ou de Daphné du Maurier.
La réelle ambition du film se trouve du côté du scénario qui ne nous emmène pas forcément là où l’on pensait aller. Le film débute sur un whodunnit assez classique, mais introduit rapidement des dissonances qui le fait aller vers un fantastique convoquant possessions et malédictions sataniques, pour se recentrer ensuite sur une réflexion quasi-méditative sur le deuil avant d’enchaîner les révélations qui abordent des thèmes aussi vastes que l’amour, l’éthique ou notre inévitable mortalité. Dire que le programme est dense serait un euphémisme et la multitude de pistes narratives complexifie inutilement une intrigue très (trop) touffue qui ne maîtrise pas toujours les virages entrepris. La direction surnaturelle de la première partie en est l’exemple le plus parlant. Pétrie d’effets peu convaincants et de flashbacks à l’esthétique discutable, elle noie davantage le vrai propos du film qu’elle n’y ajoute du mystère, alors même que la construction de l’enquête en elle-même était plutôt solide. La direction plus intime que prend la deuxième partie est bien plus riche, mais pâtit de la nécessité de boucler rapidement les nombreux points engagés par l’intrigue, entraînant alors une avalanche de twists qui donne quelque peu le vertige.
Néanmoins, il se dégage de l’écriture de The Soul une exigence bienvenue dans le développement de personnages étonnamment nuancés, et une volonté (qui se fait rare) de laisser le spectateur réfléchir par lui-même sans lui imposer une interprétation toute faite. Ceci est bien compliqué pour une histoire finalement assez simple mais, aussi boursouflé soit-il, le film parvient à ne pas laisser indifférent, autant dans les problématiques qu’il aborde que dans les émotions qu’il convoque (en cela, les trop rares scènes centrées sur le couple principal fonctionnent particulièrement bien).
La tentative est alors loin d’être totalement réussie et le film aurait gagné à être plus compact et plus ludique, cependant The Soul reste une bonne surprise de par son ambition et la détermination de son auteur à mener sa réflexion jusqu’au bout.
Claire Lalaut
The Soul de Cheng Wei-hao. Taiwan. 2021. Disponible sur Netflix le 14/04/2021.