NETFLIX – Ride or Die de Hiroki Ryuichi : Tired of Love

Posté le 25 avril 2021 par

Hiroki Ryuichi nous revient à travers une œuvre estampillée Netflix, quelques années après son remarqué et remarquable Kabukicho Love Hotel ainsi que des œuvres plus convenues. Mais Ride or Die n’est surement pas ce que l’on attendait d’un tel cinéaste.

On suit Nanae (Sato Honami) et Rei (Mizuhara Kiko) dans leur fuite, road-trip, après que Rei a tué le mari de Nanae. L’œuvre est supposée être l’adaptation du manga Gunjo de Nakamura Ching. Difficile de croire que l’on adapte une œuvre existante tant on retrouve le thème au cœur du cinéma de Hiroki, l’amour transgressif. C’est probablement cette familiarité du cinéaste avec un tel sujet qui peut nous expliquer la pauvreté de ce que nous voyons. Alors que ce n’est pas la première fois que Hiroki montre des passions homosexuelles et particulièrement lesbiennes (Girlfriend : Please Stop the World en 2004), le faire avec autant de liberté est probablement inédit pour lui, mais ne permet d’exulter aucune puissance. On assiste au déploiement du dispositif de Hiroki, avec ses longs plans qui dévoilent la double crudité, celle des corps puis des sentiments, pour révéler la cruauté au cœur des rapports. Si le cinéaste reste fidèle à son système esthétique, il peine terriblement à rendre compte de la passion folle qui habite les deux femmes. On a du mal à croire que Rei commettrait un meurtre, et tout ce qui suit n’est qu’enchaînement artificiel, filmage ou illustration d’un scénario qui se croit minimaliste mais n’existe que dans sa récupération de mouvements convenus. Road-trip, amour transcendant, eros et thanatos. On n’attend pas forcément une innovation esthétique de la part de Hiroki dans un projet Netflix. Néanmoins, l’insistance sur la nudité et la sexualité lesbienne indique que c’est « là » où se trouve le cœur de cette œuvre, la subversion. Il semblerait qu’à ce sujet, le cinéaste ait une bonne dizaine d’années de retard voire plus. Il n’y a donc pas d’incarnation dans Ride or Die qui prétend montrer le trouble charnel du désir qui bouleverserait l’ensemble des conventions sociales.

Au-delà de cette artificialité, il y a un effet de remplissage. Rei (Mizuhara Kiko) a déjà une amante avec qui elle vit. Leur relation n’existe que dans des plans fugaces entre flash-back et dialogue avec la mère de l’amante. On ne ressent pas ce qui ce joue entre ces deux femmes, au point que lors de leur séparation téléphonique, il n’y a ni tristesse, ni mélancolie, rien. Ce vide qui existe aussi dans les plans de paysage japonais et qui illustrent la fuite du couple, est une piste qui existe dans la première partie de l’œuvre. Autant que la piste d’une confrontation de classe, car Nanae met en évidence le fait que depuis sa jeunesse elle est soit dépossédée (par sa pauvreté) soit possédée par ses amants dont Rei n’est que l’ultime émanation. Ces flash-backs qui exposent également le mode de vie bourgeois de Rei nous lancent dans un autre film, car Hiroki semble désamorcer toutes ces possibilités au nom de son programme de captation maladroite d’une passion lesbienne, soi-disant charnelle. On ne sait jamais vraiment ce que l’on regarde. On assiste péniblement à une fuite qui se révèle être un mélodrame sans puissance cathartique. On ne peut se raccrocher à aucun élément de l’œuvre si ce n’est sa mécanique auto-satisfaite entre musique pop et gros plan télévisuels sur les visages en pleurs. Peut-être que la liberté qu’offre Netflix a joué contre le cinéaste qui a pour ambition de « tout faire » et finalement ne fait pas grand-chose. On pourrait même dire que la monstration des lesbiennes, qui se veut subversive, ne défait plus qu’elle ne fait des enjeux érotico-émotionnels dans le cinéma nippon. La présence de Mizuhara Kiko ne permet même pas de rendre plus supportable une œuvre qui se complait dans un automatisme et qui laisse aussi indifférent que perplexe.

Kephren Montoute.

Ride or Die de Hiroki Ryuichi. Japon. 2021. Sur Netflix le 15/04/2021