A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, l’Association française du cinéma kazakhstanais présente le film Mariam, réalisé par Sharipa Urazbayeva, qui sera disponible gratuitement du 8 mars (19h) au 14 mars (minuit) !
Dans les grandes étendues sans fin du Kazakhstan, une femme, Mariam, sort d’un champ de hautes herbes. Elle cherche son mari qui n’est jamais revenu de la ville. Elle va rapidement devoir composer entre une vie de famille compliquée à gérer, des tâches ingrates et un parcours du combattant pour savoir ce qu’il est advenu de son mari.
Partant de ce fait divers somme toute assez commun (l’homme du foyer est absent), la réalisatrice dresse un portrait à la fois tendre et dur d’une femme qui va devoir survivre sans son mari et être responsable d’une famille de fermiers. Mariam est une femme forte, déterminée et mue par la conviction que son mari, quelque part, est toujours en vie, blessé.
Mais son plus grand combat, elle va le livrer face à une société qui ne va pas lui faciliter la vie en lui mettant obstacle sur obstacle dans sa tentative de réussite en solitaire. Dans ce film, c’est Mariam qui en fait les frais, mais il pourrait s’agir de n’importe quelle autre femme dans n’importe quel autre pays. Parce qu’une femme qui n’a pas, pour elle, la beauté, l’élégance et apparemment, une forte personnalité, ne peut être prise au sérieux lorsqu’elle vient demander de l’aide à la police pour retrouver son mari. La société va se montrer cruelle avec celle qui demande assistance, en la rabaissant physiquement (un échange tout en mépris avec un policier est à ce titre assez ignoble) et professionnellement, la jugeant incapable de s’occuper seule d’un troupeau de moutons, la privant ainsi de salaire. Mais là où le film pourrait plonger dans le misérabilisme le plus simple, la réalisatrice préfère filmer un parcours du combattant traversé avec force et détermination par une femme en qui personne ne croit et que personne ne croit, d’ailleurs. La résistance face à la société se niche dans chaque petit geste du quotidien accompli durement mais fièrement par Mariam, qui ne déviera jamais de son objectif en attendant son mari.
D’ailleurs, à mi-parcours, un événement dont nous tairons ici les détails va faire basculer le récit et son héroïne dans un autre registre. Mariam va se redécouvrir une féminité et une personnalité jusqu’alors enfouies, reléguée au rang de « femme de », dans l’ombre d’un mari dont il est fait un portrait peu flatteur. À travers des petits rituels qu’elle semblait avoir oublié, comme le maquillage, Mariam va réapprendre à se mettre en valeur et s’affirmer en tant que femme et non plus en tant qu’élément secondaire du foyer, et découvrir qu’elle est encore capable d’être regardée, admirée et même de séduire. La réalisatrice filme cette renaissance d’une femme en effectuant une cassure nette au niveau de la mise en scène, beaucoup plus solaire et colorée que la première partie grise et terne.
Mais le destin est mauvais joueur et il réserve à Mariam un ultime obstacle qui pourrait lui compliquer la vie. Pourtant, sa libération psychologique et physique lui aura révélé une forte personnalité et une détermination insoupçonnée et jusque dans la dernière ligne de dialogue, elle osera fièrement tenir tête à celui qui essaiera de la ramener à sa condition de femme de berger discrète et bafouée. On regrettera d’ailleurs que cette dernière partie soit si courte comparée au reste du récit, le film aurait largement pu développer ce réveil de la femme sur une durée plus conséquente.
En conclusion, Mariam, c’est un portrait solaire et touchant d’une femme des plaines du Kazakhstan qui va se redécouvrir une personnalité et une féminité restées trop longtemps enfouies dans une société où l’homme semblera toujours s’être mis en valeur sans laisser de place à la femme.
Romain Leclercq.
Mariam de Sharipa Urazbayeva. Kazakhstan. 2019. Disponible du 8 au 14 mars 2021 ici