KINOTAYO 2020 – Harmonium de Fukada Koji

Posté le 7 décembre 2020 par

La nouvelle édition du Festival Kinotayo est forcément différente, mais pas moins riche. Vous pourrez découvrir une flopée de films japonais, en ligne sur FilmoTV, dont Harmonium, réalisé par Fukada Koji en 2016.

S’il a sans doute été la révélation majeure de 2017 avec deux film en salles, Fukada Koji est loin d’être un débutant. Les spectateurs français l’ont découvert avec Au revoir l’été en 2014, alors qu’il avait déjà réalisé deux longs-métrages et commencé à travailler pour la télévision au tournant des années 90 et 2000, après avoir été l’élève de Kurosawa Kiyoshi.

Harmonium suit une famille japonaise classique, composée d’un couple et leur petite fille. La tonalité de l’introduction, d’une légèreté plaisante, rappelle pendant quelques minutes le cinéma de Ozu Yasujiro. Mais le quotidien de la famille est rapidement envahi par la présence d’un ex-détenu, interprété de manière terrifiante par Asano Tadanobu (Vers l’autre rive). Toshio, le père de famille, qui semble avoir une dette envers lui, l’engage dans son atelier. Yasaka, loin d’être un ami idéal, se rapproche peu à peu de la mère. A partir de ce moment-là, la jolie chronique familiale vire au cauchemar.

harmonium

Scindé en deux, le film mène le spectateur où bon lui semble, par un subtil mélange des genres. La narration, aidée d’une mise en scène brillante, d’un travail sur les couleurs et les sons, et d’acteurs bluffants – Asano Tadanobu, hypnotisant et terrifiant – est fluide et le spectateur se laisse prendre alors que la chronique familiale se transforme peu à peu en thriller quasi-fantastique. On se prend d’affection pour cette famille détruite aussi bien par l’arrivée de Yasaka que par les non-dits qui la rongent de l’intérieur. Quand le drame arrive, l’émotion est à son apogée et explose de toute part. Puis, la vie quotidienne reprend, difficilement. La mère de famille se réfugie frénétiquement dans la religion et les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) alors que le père essaie vainement de retrouver le coupable. Yasaka, entre temps, a disparu. Et pourtant, il reste le personnage central du film. Ses apparitions sont fantomatiques, et laissent place à un silence de mort. Cette deuxième partie de film, bien que tragique, laisse la poésie s’immiscer dans un simple mouvement de caméra, pour que l’on puisse se rapprocher au plus près des protagonistes.

Harmonium fascine par sa maîtrise formelle, qui inscrit son réalisateur comme l’un des grands peintres du Japon contemporain. Mais c’est in fine dans sa description du personnage féminin que le film bouleverse. Derrière ce qui commence comme un film d’hommes, où deux amis se retrouvent après huit ans de prison, se cache un sublime portrait de mère en souffrance et au bord de l’abîme (comme le suggère le titre original, dont la traduction littérale serait « Au bord du gouffre »). C’est tout le talent de Fukada que d’utiliser les codes du film de genre pour resserrer son œuvre sur une poignante relation entre une mère et sa fille.

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Les dernières scènes du film, touchantes et délicates, sans pour autant tomber dans le pathos ne laissent pas de doutes : Fukada Koji est déjà un réalisateur majeur de la nouvelle génération du cinéma japonais. La suite nous l’a confirmé.

Elvire Rémand

Harmonium de Fukada Koji. Japon. 2016. Disponible sur FilmoTV dans le cadre de Kinotayo 2020

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