Si d’après vous le confinement n’a pas assez duré, si la vie en huis clos dans votre appartement n’a que des avantages et que la vision de l’insupportable Contagion ou de la première saison de la série Pandémie de la célèbre plateforme ne suffit pas : réjouissez-vous ! Netflix vous propose de prolonger le plaisir avec #Alive, réalisé par Cho Il-hyeong !
Comme un terrifiant virus ravage sa ville, un homme seul se retrouve coincé dans son appartement, sans aucun moyen d’appeler à l’aide, mais prêt à tout pour s’en sortir.
FRONT ANTI – GRIPPE OU FRONT BRÛLANT?
Co-écrit et réalisé par Cho Il-hyeong (dont c’est le premier métrage), le film commence sous les meilleurs auspices en jouant avec sa thématique. Bien qu’il ne soit pas un véritable hikikomori, le jeune héros (exposé sans fards par le réalisateur ; on respire l’envie de donner du rythme et de ne pas poser d’univers complexe) ressemble à tellement d’autres de 2020. Jeux en multi, installation pc – écrans – siège – clavier haut de gamme en dépit d’une enivrante bibliothèque, couvé par sa maman…
Malgré une évidente absence de subtilité, cette frange de la jeunesse est une réalité, notamment en Asie et il est cocasse de souligner les intentions du raconteur d’histoire. «Obliger» un streamer à rester chez lui… Quand le tout et son contraire s’entremêlement. Quand les envies deviennent contraintes. Tourné au même rythme que les courses de ces bouffeurs de chairs (en 2 mois fin 2019) et sorti sur les écrans coréens post période Covid (le 24 juin 2020 précisément), le film dépasse le million d’entrées en moins d’une semaine !
L’ OMBRE ET LA PROIE
Le film narre donc les aventures d’Oh Joon-woo, jeune homme original et visiblement inspiré du fantastique personnage principal de GTO (Great Teacher Onizuka), Eikichi Onizuka. Grâce à la partition du jouissif Yoo Ah-in (Burning) dont le plaisir à jouer transpire à chaque plan, vite secondé puis dirigé par la belle voisine d’en face Kim Yu-bin (Park Shin-hye), le duo cherche rapidement à survivre face à une pandémie soudaine, une infestation rapide d’infectés qui envahit leur immeuble, leur pays. Rien de bien nouveau sous le soleil donc malgré un timing fort à propos, il faut bien le concéder.
Alors que La Nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, film sous exposé et proche du film d’auteur, proposait un pitch identique en 2018, le premier essai du jeune réalisateur privilégie malheureusement d’exposer tous les poncifs du genre. Thématiques de l’abandon, de la peur ou de l’ennui lorgnent alors rapidement avec le choix de réaliser ou non que nous ne serions que des humains au regard de notre aptitude sociale. Un être au monde incapable de trouver le bonheur et la félicité sans subir le miroir d’autrui ? Autant de sujets passionnants certes, mais malheureusement beaucoup trop vite expédiés.
Loin de l’ambiance glauque, travaillée et pesante que proposait les magnifiques premières saisons de Walking Dead ou du récent bijou Dernier train pour Busan (pas le même budget certes), l’angle ici privilégié est la voix de la comédie. Là où le bât blesse c’est qu’#Alive ne choisit jamais son camp. Ni vraiment drôle ni vraiment stressant.
Que dire également de certains choix scénaristiques paresseux de Matt Naylor et du réalisateur ? Faire de la voisine une Lara Croft sans justification aucune en est un exemple. Expédier par un coup de pieds aux fesses à vitesse lumière la recherche de sa famille ou ne pas avoir joué sur le confinement pour s’inspirer de Maman, j’ai raté l’avion et ses armes de fortune semblent également des paresses évitables. Un soupçon d’originalité et de créativité eurent été en effet fort à propos. Filmé à Gunsan, le film aurait également gagné en charisme en proposant une Séoul dévastée par exemple.
ZOMBIES VS MORTS VIVANTS VS INFECTÉS
A la différence du mort-vivant, l’infecté reste un être humain vivant, dont l’origine du mal peut être connue et soignée, laissant une lueur d’espoir à l’humanité. La nuance étant une nouvelle fois exposée, #Alive malgré son classicisme n’est pas pour autant un mauvais film. Une série B très sympathique saupoudrée de quelques rares bonnes idées (la tyrolienne, le drone, la perche à selfie, la répétition mécanique du geste d’un pompier…) mais tellement timide quelque soit la direction, l’émotion en tête.
Sachant de plus que le co-scénariste sortira sa version US en octobre (Alone), réussissant ainsi le pari de proposer un remake asiatique en même temps que son œuvre d’origine (sic…), on aurait apprécié une vraie direction artistique, un parti pris, un risque… Jamais réellement inquiet pour leur survie (à l’instar des merveilleux jeux The Last of Us), l’on choisit donc de sauver quelques choix musicaux formidables, un rythme soutenu très agréable (on ne trépigne pas mais on s’ennuie pas non plus) et un joli duo. C’est peu mais difficile de donner un sens nouveau à un genre sur-exploité ces vingt dernières années.
Dead Set, Diary of the Dead ou 28 jours plus tard et évidemment le comic book de Kirkman ont apporté chacun une vision pertinente du genre. Attendons donc avec sérénité un futur mètre étalon, curieux et courageux. Ce n’est malheureusement pas pour cette fois.
PS: « Un zombie même s’il rêve de devenir le nouveau Usain Bolt sait au fond de son cœur… ou de ce qui lui reste de son cœur… qu’il ne peut pas COURIR ! Ses chevilles n’y résisterait pas ! Et du coup, non seulement sa mobilité s’en trouverait grandement diminuée mais avec elle sa capacité à attraper les proies qui s’ingénient à fuir devant lui ».
George A. Romero
Jonathan Deladerrière
#Alive de Cho Il-hyeong. Corée. 2020. Disponible sur Netflix le 08/09/2020