CARLOTTA VOD – Judo de Johnnie To

Posté le 9 mai 2020 par

Carlotta Films propose en exclusivité sur sa plateforme VOD l’une de ses prochaines sorties cinéma : la version restaurée 4k de Judo (Throw Down) de Johnnie To, sorti originellement en 2004 à Hong Kong. Au programme : déambulations urbaines et hommage raffiné à Kurosawa Akira.

Un ancien pratiquant de Judo est désormais accro à l’alcool et au jeu, et criblé de dettes. Il va rencontrer sur sa route un pratiquant exalté de la discipline, qui ne cessera de vouloir le provoquer en duel, et une chanteuse ambitieuse qui voudra travailler dans le bar dans lequel il est manager. Derrière les coups durs de la vie, une amitié solide va se former.

Dans les années 2000, Johnnie To se révèle le cinéaste emblématique de Hong Kong, qui montre dans sa filmographie la ville sous tous ses recoins. Judo ne fait pas exception à la règle, et l’idée de l’action liée à la pratique du judo ne semble qu’un prétexte pour montrer des personnages humains évoluer dans cette grande cité, qui se farde ici de néons violacés non sans rappeler l’esthétique de certains films taïwanais. Judo est également un hommage vibrant à Kurosawa Akira (le générique de fin s’ouvre avec une dédicace à son encontre, le qualifiant de « greatest director »). Et pourtant, derrière ces inspirations, Johnnie To nous livre un long-métrage très personnel, typique de ses sujets de prédilection.

© 2004 ONE HUNDRED YEARS OF FILM COMPANY LIMITED. Tous droits réservés.

Beaucoup s’accordent à dire que le film le plus personnel de To est P.T.U., tourné les weekends dans un Hong Kong nocturne avec des acteurs suffisamment en amitié avec lui pour supporter cette cadence particulière. Sorti en 2003, il en résulte un métrage non sans un certain suspense, restes de l’imagerie du polar dont le cinéma de Hong Kong est si friand, genre auquel To en est un cinéaste majeur, mais qui arbore également un ton particulièrement doux, inhabituel dans le registre et qui peut être perçu comme révélateur de la personnalité de son metteur en scène. Un an plus tard, Judo se place dans le parfait sillon de cet esprit. À la place de l’imagerie du polar, c’est l’esthétique du cinéma d’arts martiaux, tout aussi propre à Hong Kong, qui est mise en valeur de cette manière. Les scènes d’action se font rares – et lorsqu’elle surviennent, elles se montrent particulièrement racées, To ayant réussi à sublimer un art martial peu connu des écrans de cinéma – pour laisser de la place au destin de ces protagonistes du Hong Kong des rues : le quasi-membre des triades (Louis Koo, acteur fétiche de To), le street fighter haut en couleur (Aaron Kwok), la vedette du music hall qui démarre de rien (Cherrie Ying), et plus tard, le puissant rival (Tony Leung Ka-fai). To instaure deux grands enjeux autour du personnage de Louis Koo, sa perte de foi en le judo, et son addiction au jeu qui le met dans la panade financière. La mise en scène désamorce assez vite le moindre aspect dramatique pour offrir de l’espoir. Dans le dernier quart du film, on observe des scènes de judo entre les héros, de manière presque gratuite, sans réel poids pour l’intrigue, comme pour symboliser cette foi retrouvée. L’innocence qui se dégage alors du caractère de ces héros est particulièrement plaisante. Dès lors, le sous-titre du film (Throw Down) fait se corréler l’esthétique du judo avec leur évolution. Jetés à terre, ils se relèvent.

© 2004 ONE HUNDRED YEARS OF FILM COMPANY LIMITED. Tous droits réservés.

L’hommage à Kurosawa Akira se situe réellement là, dans cette innocence que l’on peut rapprocher d’une foi en l’humain. Les personnages chez Kurosawa ne sont pas tous des anges, bien au contraire. Il y a même de telles ordures dans ses films que l’intensité dramatique est maximale. Mais c’est bien un héros profondément bon qui finit par triompher, grâce à sa force mentale et son charisme, parvenant ainsi à redonner de l’espoir. Pensons à Barberousse, lorsque le médecin, campé par Mifune Toshiro, corrige dans la rue à coups de jiu-jitsu les hommes de main d’un bordel qui veulent l’empêcher de tirer une enfant de cet enfer. C’est bien l’humanisme qui triomphe de cette séquence (jusqu’au fait que Mifune soigne les épaules qu’il vient de bloquer chez ces malfaiteurs après la bagarre). Cette scène est présente en écho dans Judo, et représente l’esthétique réussie du film, au point d’en être l’affiche française. À cela, on ajoute l’idée d’avoir choisi le judo comme vecteur du dynamisme du film, Kurosawa Akira ayant pour ainsi dire inventé le film d’action moderne en 1943 avec La Légende du grand judo, après que le cinéma chinois shanghaïen ait créé le cinéma d’arts martiaux dans les années 1920. La boucle est bouclée.

Judo montre des personnages qui se cherchent. La rue et la nuit pourraient, en théorie, les plonger dans les ténèbres. Animé d’une foi inébranlable en les qualités humaines, Johnnie To ne montre rien de cela et fait déambuler ses protagonistes dans un Hong Kong animé, de bars en dojos, à la recherche d’un bonheur simple. Avec Judo, il propose à la fois un film très personnel, tout comme un hommage à ses influences. Les possibilités technologies offertes par la restauration 4k permettent de redonner sa grandeur à ce beau film, en accentuant la netteté bien sûr, mais surtout en donnant de la profondeur aux couleurs chatoyantes de la nuit à Hong Kong.

Maxime Bauer.

Judo (Throw Down) de Johnnie To. Hong Kong. 2004. Disponible sur le Vidéoclub Carlotta du 08/05/2020 au 10/05/2020.

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