Le Chat qui fume édite en édition Blu-Ray La 7ème malédiction, trépidant film d’aventures et d’horreur. C’est l’occasion de découvrir un autre pan de la carrière de Lam Nai-choi, injustement connu en Occident pour le seul Story of Ricky.
Pour avoir voulu sauver Betsy, une jeune tribale, d’un sacrifice rituel en Thaïlande, un an auparavant, le Dr Yuen Chen est victime d’une malédiction du sang lancée par Aquala, un puissant sorcier. Condamné à une mort certaine, Yuan n’a d’autre choix que de quitter Hong Kong pour se rendre dans le repaire du sorcier maléfique, afin de mettre un terme à la malédiction. Dans cette aventure où l’attendent de multiples dangers, le médecin sera aidé par une journaliste intrépide, Tsui-Hung, et son ami Wei Wisely, expert en magie noire.
La 7ème malédiction est une des œuvres qui intronise Lam Nam-choi en véritable fer de lance du cinéma fantastique hongkongais. Il est à l’origine un directeur photo réputé au sein de la Shaw Brothers, notamment pour son association avec le réalisateur Sun Chung. Il va avoir la possibilité de se lancer dans la mise en scène en accompagnant l’acteur Danny Lee dans ses débuts à la réalisation sur One Way Only (1981). Il va ensuite profiter de la liberté nouvelle accordée par une Shaw Brothers cherchant un second souffle au début des années 80 pour se spécialiser dans le polar urbain âpre et social avec les réussites marquantes que sont Brothers from the Walled City (1982) et Men from the Gutter (1983). Le changement d’environnement causé par le ralentissement des activités de la Shaw Brothers va aussi amener un basculement stylistique chez lui en passant chez la concurrence de la Golden Harvest. The Ghost Snatchers (1986) marque sa première incursion dans le fantastique, confirmée ensuite par La 7ème malédiction.
Le film est adapté de deux séries de roman à succès de Ni Kuang, plus connu pour son travail de scénariste à la Shaw Brothers, Dr. Yuen et Wisely. Dr Yuen (ici incarné par Chin Siu-ho) est plutôt un héros d’aventures tandis que Wisely (joué par Chow Yun-fat) est une sorte de Van Helsing hongkongais et spécialiste de l’occulte. Si le personnage principal du film est avant tout le Dr Yuen, Wisely est, malgré une présence plus faible à l’écran, un élément essentiel de l’intrigue puisque vulgarisant pour les protagonistes et le spectateur toutes les notions de sorcellerie évoquées. Pas encore superstar mais déjà acteur de renom, Chow Yun-fat lui prête tout son charisme et un flegme plaisant. Une des originalités du film est son récit enchâssé effectuant une sorte de mise en abyme de l’univers de Ni Kuang qui apparaît ici en personne et introduit les héros. Si cela peut avoir un aspect ludique pour les spectateurs/lecteurs hongkongais savourant le clin d’œil, cela alourdit le début et la fin de l’histoire qui entre un peu laborieusement dans le vif du sujet.
Ainsi la scène d’ouverture nous plongeant en pleine prise d’otages, est certes impressionnante mais semble échappée d’un autre film et ne sert qu’à présenter le Dr Yuen et la journaliste fantasque jouée par Maggie Cheung – ce qui aurait pu être fait avec une entrée en matière plus simple. Ce sera globalement le seul gros reproche à faire au film, jamais ennuyeux et toujours alerte dans son rythme (et sa durée resserrée), mais collant ses séquences les unes aux autres de façon un peu lâche à coup d’explications occultes semblant parfois semi-improvisées.
Pour le reste, les qualités notamment formelles de Lam Nam-choi brillent de mille feux. La dimension inquiétante et horrifique du récit d’aventures surnaturel lorgne clairement sur les Indiana Jones de Steven Spielberg, et plus particulièrement Le Temple maudit avec ses écarts de cruauté (notamment envers les enfants), son gore décomplexé et ses pièges sadiques. Même s’il a désormais délégué la photographie, on sent tout le soin souhaité par le réalisateur qui pose des ambiances inquiétantes et oniriques dans ses forêts traversées de présence indicible, à l’intérieur de ses temples où se disputent l’exiguïté menaçante et la grandiloquence païenne dans des teintes vertes, mauves et bleues. On peut ajouter à cela une action rondement menée, notamment par Chin Siu-ho, aussi à l’aise pour distribuer les coups que pour jouer les héros blasés et machos face à Maggie Cheung. Cette dernière, sans être non plus la faire valoir découverte chez Jackie Chan, est davantage une présence comique de demoiselle en détresse sans avoir l’espace pour proposer davantage.
Le film sort en salle un an avant le célèbre Histoires de fantômes chinois de Ching Siu-tung, et il est indéniable qu’il a pavé le chemin à Tsui Hark quant à son approche. La logistique des effets spéciaux, en particulier les trucages mettant en scène le démon, anticipe les créatures qui feront passer un sale quart d’heure à Leslie Cheung durant sa nuit au sein d’un temple hanté. On trouve cette même appropriation des gimmicks du Evil Dead de Sam Raimi (1982) et la tonalité bleue durant les séquences spectrales. La générosité et la grandiloquence de Lam Nam-choi dans les morceaux de bravoure est un sacré atout, filmé avec une énergie et précision sans faille, notamment un climax lorgnant sur le tokusatsu. On pardonnera donc aisément les errements narratifs évoqués plus haut pour savourer un spectacle opulent qui donne clairement envie de voir d’autres films de Lam Nam-choi, principalement connu à l’international pour Story of Ricky, un « Category 3 » parmi les plus outrancier du cinéma hongkongais.
BONUS
Un entretien (34 min) avec Julien Sévéon, spécialiste bien connu du cinéma asiatique. Il nous propose un portrait passionnant de Lam Nai-choi dont il retrace le parcours, les spécificités formelles à la fois méticuleuses et audacieuses qu’il compare à Tsui Hark dans la volonté d’aboutir à une idée singulière, quel que soit le budget alloué. En plus de développer sur La 7ème malédiction, Sévéon est grandement élogieux sur tout un pan de la filmographie méconnue de Lam Nai-choi en vantant le mérite de titres comme Peackok King, Her Vengeance ou encore Saga of the Phoenix.
Un entretien avec l’acteur Chin Siu-ho (21 min) interprète du Docteur Yuen dans La 7ème malédiction. Il raconte son apprentissage précoce des arts martiaux, et son attirance pour le cinéma à travers les stars martiales qu’il y voyait comme Bruce Lee ou Chen Kuan-tai. Il entre encore adolescent à la Shaw Brothers où il sera formé, puis sélectionné par Chang Cheh, véritable mentor pour lequel il jouera dans de nombreux films. Il revient ensuite plus spécifique sur La 7ème malédiction et vante le travail de Lam Nam-choi, qu’il a tout d’abord pu observer dans son premier métier de directeur photo. Il revient sur la prestation poussive de Maggie Cheung qui débutait et se montre assez bienveillant quant à ce manque de maturité, au vu de la suite de la carrière de celle-ci. Il raconte aussi les conditions de tournages entre Hong Kong et la Thaïlande, le travail en studio et l’élaboration complexe de certaines scènes d’action.
Pas mentionné sur la jaquette, mais on trouve également un livret de 16 pages écrit par Paul Gaussem, expert du cinéma hongkongais officiant notamment dans le podcast Raging Fire Club. Le livret est parfaitement complémentaire du bonus de Julien Sévéon. Paul Gaussem revient plus en détails sur chacun des films de Lam Nai-choi et leur accueil public, observe chez lui un attrait du bis même dans ses œuvres les plus réalistes et qui se déploiera pleinement dans le registre fantastique. Il souligne l’inventivité du réalisateur et le goût du trucage expérimenté auprès des techniciens japonais dans ses meilleurs films. Il revient plus en détail sur la confection de La 7ème malédiction, ses participants, dont Wong Jin, partenaire privilégié de Lam Nai-choi.
Justin Kwedi
La 7ème malédiction de Lam Nai-choi. 1986. Hong Kong. Disponible en Blu-Ray chez Le Chat qui fume.