NETFLIX – Kingdom Saison 2 de Kim Seong-hun

Posté le 31 mars 2020 par

Après plus d’un an d’attente, la série coréenne Kingdom a fait son retour sur Netflix le 13 mars dernier. Horreur, politique et moralité s’entremêlent dans une deuxième saison efficace mais qui ne parvient pas à s’affranchir des défauts de la saison précédente.

Malgré une grande qualité de production et un excellent casting, la première saison de Kingdom laissait largement sur sa faim. Inégale sur ses premiers épisodes, avant de trouver son rythme dans les deux derniers, elle semblait être la longue introduction de quelque chose de plus excitant et passionnant à venir. Si la formidable révélation finale faisait pressentir le pire pour nos héros, elle annonçait alors le meilleur pour la suite de l’intrigue.

L’action reprend là où elle s’était arrêtée et avance sans temps mort, suivant le Prince dans son combat acharné pour la protection de son peuple, alors que  les plus puissants dignitaires du royaume visent seulement à s’accrocher au trône.

La réalisation assurée de Kim Seong-hun ménage le suspense et démontre une parfaite assimilation des codes du cinéma de genre afin de donner au spectateur la dose attendue de chocs et de frissons. La mise en scène n’hésite pas non plus à se revendiquer du pur sageuk, en alternant volontiers grandiloquence assumée (la course au ralenti d’un zombie avec un drapeau fiché dans le dos) et symbolisme intense (la menace suggérée par une tasse de thé qui déborde). Le savant dosage de ces éléments constitue un ensemble cohérent et crée une belle identité visuelle. La saison étant structurée à la manière d’un piège qui se referme sur ces protagonistes, l’ambiance de chaos imminent dans laquelle baigne chacune des scènes nous retient tout au long des six épisodes. Elle est probablement le meilleur atout de Kingdom dont les lacunes se font cruellement sentir par ailleurs.

Si la première saison ne savait pas exactement dans quel genre se placer et souffrait d’une mise en place trop explicative, elle avait le mérite de donner des pistes de réflexion sur la corruption politique et les rapports de classes. Les thèmes sont indéniablement présents dans ces nouveaux épisodes mais ils sont passablement survolés ou laissés de côté, au profit d’une action qui s’enchaîne à un rythme effréné, pour arriver à l’ultime bataille, certes spectaculaire, mais vidée de toute profondeur.

Ceci ne serait pas si grave si la saison prenait clairement le parti de s’assumer comme un divertissement horrifique en costumes. Or, on devine une ambition plus large de proposer, à travers le prisme du zombie, un commentaire socio-politique sur le pouvoir et la responsabilité publique. Hélas, dans l’urgence de passer d’un événement à l’autre, cet aspect finit par être totalement éclipsé ou alors, réduit à de bien grossières ficelles. La frustration prend alors le pas sur l’indulgence que l’on pouvait avoir pour les défauts d’une première saison inaboutie. Jusqu’à laisser la désagréable sensation que ceci se prend un peu trop au sérieux pour un simple slasher.

Ce déséquilibre scénaristique entre les intentions et le résultat peuvent s’expliquer par le manque flagrant d’enjeux émotionnels de l’entreprise. Aussi efficace que soit l’action, on peine à s’attacher assez aux personnages pour vraiment s’impliquer dans ce qui va leur arriver. Le scénario place minutieusement les situations attendues, de sacrifices tragiques, de rédemptions inévitables et d’héroïsme inspirant, mais il manque le souffle dramaturgique qui permettrait de nous en faire ressentir l’impact en tant que spectateur. C’est un problème de taille dans un récit qui réussit à exprimer le danger dans sa forme mais échoue à construire des histoires humaines assez fortes pour que l’on s’inquiète au-delà de ce que la scène suggère et de la sympathie initiale que l’on peut avoir pour les personnages ou pour les acteurs (car il est un fait admis que personne ne souhaite voir Bae Doona se faire croquer par un zombie).

En effet, hormis de rares exceptions (l’arc du Prince, interprété par Ju Ji-hoon est relativement bien mené), les personnages évoluent peu et ne transcendent jamais les stéréotypes qu’ils incarnent. Les antagonistes sont des exemples assez frappants de ce problème plus général. Ainsi, le ministre Cho Hak-ju (Ryoo Seung-ryong) reste désespérément unidimensionnel jusqu’à une fin qui indiffère tant son arc fut décevant. Le traitement de la Reine (Kim Hye-ju) est un peu meilleur mais très loin des attentes que son personnage suscitait, celui-ci restant largement inexploité autrement que pour des effets chocs.

De la même manière, les relations des uns et des autres restent trop superficielles pour que les moments d’émotion fonctionnent réellement. Ce n’est pas par manque de matière, bien au contraire, tant il y avait de potentiel dans ce qui est laissé inexploré : l’émancipation d’une figure tutélaire, la rage comme expression du traumatisme, le dilemme entre sens de la patrie et sens de la politique, le mépris de classe, etc. Ceci est d’autant plus dommage que la grande force du drama coréen réside souvent dans le soin apporté aux personnages et à leurs arcs narratifs. Par exemple, dans des genres différents mais sur des thématiques similaires, des séries comme Mr. Sunshine ou Six Flying Dragons parvenaient à faire exister une galerie de personnages bien plus importante tout en développant de manière cohérente et organique les conflits et dilemmes qui se posaient, sans pour autant renoncer à la partie plus feuilletonnante de son intrigue. A la décharge de Kingdom et de sa scénariste Kim Eun-hee, six épisodes de 50mn voire moins (on compte un épisode de 34mn hors générique) laissent peu de temps pour les sous-textes et la subtilité, surtout quand le temps presse pour ouvrir sur autre chose. Elle illustre sans doute les limites de l’adaptation forcenée d’une culture scénaristique à un format standardisé qui sera accessible au plus grand nombre mais ne sera pas forcément adapté à l’histoire racontée. Quoiqu’il en soit, cette fournée d’épisodes est une succession d’opportunités manquées qui se reprend pourtant de justesse, au moment où l’on avait perdu tout espoir.

Dans sa dernière ligne, la saison prend enfin de l’ampleur. Une fois débarrassée des zombies, quand le calme est revenu. En prenant le contre-pied de ce qui était attendu, elle exécute un audacieux flash-forward qui nous promet des révélations sur les origines du mal, un potentiel retour de l’infection et d’intrigants nouveaux personnages. Si les deux saisons de Kingdom nous auront appris quoi que ce soit, c’est que la série excelle dans ses conclusions. Celle de la deuxième saisons nous donne envie de croire que la troisième fois sera la bonne. Réponse en 2021 ?

Claire Lalaut

Kingdom. Corée. 6 épisodes. 2020. Disponible sur Netflix le 13/03/2020.