Cinéma du réel 2020 – The Choice de Gu Xue

Posté le 28 mars 2020 par

La 42ème édition du festival Cinéma du réel n’a malheureusement pas pu se dérouler physiquement. Toutefois, une partie de la sélection se trouve sur la toile, et notamment le moyen-métrage The Choice de Gu Xue, en compétition internationale. Ce dernier se déroule lors d’un plan séquence de 66 minutes, où les membres d’une famille se réunissent pour prendre une décision importante.

Le pitch est le suivant : la tante est en unité de soins intensifs. Son fils, Shi Hengbo, appelle toute la famille pour trouver une solution à cette situation. Mais durant cette réunion, personne n’est d’accord.

Ce documentaire prend le parti de mettre le spectateur à la place de l’un des membres de la famille, qui serait assis autour de la table au même titre que les autres et attendrait son tour pour pouvoir donner son avis sur l’état de santé de la tante. Ce procédé rajoute à l’aspect immersif de ce documentaire où la discussion enchaîne les questionnements : faut-il ramener la tante à la maison ? Faut-il la débrancher ? Faut-il au contraire la laisser à l’hôpital ? Mais dans ce cas, comment payer ces frais hospitaliers ?

Du fils, en passant par les tantes, chaque membre de la famille va exprimer son point de vue quant au futur de la tante malade. Mais la délimitation de la famille est stricte et sous-couvert de laisser chacun exprimer son point de vue, les rapports de pouvoir sous-jacents posent les limites du débat. En effet, le beau-frère est exclu de la conversation sous prétexte qu’il n’appartient pas directement à la famille. Les sœurs, d’un âge avancé, se voient interrompues constamment par les plus jeunes. Ce sont bien ces derniers qui dominent cet échange. Plus éduqués, plus éloquents, ils avancent leurs arguments avec plus d’assurance et ne semblent pas s’encombrer d’un respect ancestral des aînés.

Ce qui nous frappe, outre l’âpreté des échanges et du motif de cette réunion, c’est le ton utilisé lors du débat. Hormis une des sœurs âgées à qui l’on demande rapidement de ravaler ses larmes, la parole est efficace, factuelle et dénuée d’émotions. Le sujet de la conversation pourrait tout aussi bien être une transaction financière, tant les visages sont fermés et impénétrables. C’est probablement l’aspect le plus intéressant du documentaire. Que ce soit la pudeur, le pragmatisme ou la distanciation de ces individus face à la condition de la tante, ce sont leurs intonations détachées qui nous permettent d’imaginer le mieux les enjeux. Elles invitent une image spectrale de la malade qu’on considère déjà comme morte.

Au vu du sujet de ce film, on pense inévitablement à Madame Fang de Wang Bing qui présentait les derniers moments d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais là où Wang Bing présentait une vision plus générale de la Chine en filmant également l’extérieur, Gu Xue nous confine à ce salon, et à cette heure de discussion. Cela représente la limite du propos de la réalisatrice. Les arguments se répètent, les esprits s’échauffent légèrement mais le débat n’avance pas et le film non plus. On devine à travers quelques mots d’anciennes rancunes ou sentiments enfouis, mais nous n’en saurons pas plus. Sortir de cette pièce nous aurait peut-être permis un recul nécessaire au thème abordé dans ce documentaire, ou de mieux comprendre la dynamique familiale suggérée par cet échange.

Marie Culadet

 The Choice de Gu Xue. Chine. 2019. Disponible sur la plateforme Tënk.

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