NETFLIX – Je peux entendre l’océan de Mochizuki Tomomi : jeunesse aérienne

Posté le 22 février 2020 par

Dès février 2020, Netflix propose plusieurs salves de film d’animations Ghibli sur sa plateforme. Parmi eux, le téléfilm Je peux entendre l’océan de Mochizuki Tomomi, produit en 1993 au Japon, était jusqu’à lors un inédit chez nous.

Après le divorce de ses parents, Rikako, une Tokyoïte, suit sa mère en province, dans une région méridionale. Un garçon du lycée dans lequel elle est inscrite, Yutaka, tombe sous son charme et le présente à son meilleur ami Taku. Mais la jeune fille a du mal à s’intégrer, et Taku sera malgré lui embarqué dans un voyage imprévu à Tokyo avec elle…

Je peux entendre l’océan possède les qualités des meilleurs films d’animation japonaise. Le réalisateur Mochizuki Tomomi et le studio Ghibli se servent de ces personnages somme toute assez quotidiens pour nous montrer la beauté et la profondeur des émois de la jeunesse. L’animation, le chara-design et les décors, de toute beauté et présentant des teintes bleutées comme souvent chez Ghibli, sont au service d’une mise en scène délicate qui dresse un portrait des plus charmants de ces jeunes hommes et femmes, avec aussi bien un focus sur la province que la capitale.

Mochizuki installe tranquillement son cadre, à travers un rythme calme mais sans pour autant trop de contemplation : le personnage de Rikako, aux prises d’une situation familiale difficile, fait se déporter l’intrigue vers une sorte de périple. Les personnages comme les lieux gravitent autour d’elle et lorsque Taku est contraint de la suivre à Tokyo, il y a comme une plongée dans l’inconnu, une sensation grisante dans un tel cadre. Le film balaye aussi bien les sentiments amoureux que l’amitié. Le trio de personnages est à ce titre très bien écrit et malgré les quelques aléas qui peuvent les monter les uns contre les autres, la bienveillance surnage au-dessus d’eux. C’est pourquoi leurs dialogues dénotent une profondeur : chaque mot qu’ils s’échangent donne la mesure de leurs désidératas en tant qu’individu – la manipulation de Rikako pour aller à Tokyo, l’amour non avoué dans un premier temps que lui porte Yutaka, les sentiments enfouis de Taku – mais il subsiste une forme de loyauté entre eux qui forme un assemblage de liens entre les personnages sophistiqué et heureux. Associé à cette mise en scène aérienne, le film crée une sensation de légèreté agréable et évite un pathos lourd malgré le sujet difficile de la séparation des parents.

De par sa réflexion sur l’écart entre la province et la ville, et sur l’idée de voir ses sentiments grandir à l’atteinte de l’adolescence, on est tenté de comparer ce téléfilm avec un autre métrage des studios Ghibli : le superbe Souvenirs goutte à goutte de Takahata Isao, réalisé deux ans auparavant. Je peux entendre l’océan arbore toutefois une spécificité qui lui est exclusive, à savoir sa peinture toute en douceur de la vie lycéenne, idée que ne traite pas le film de Takahata. Ce sujet rare chez le studio à cette époque, qui préfère parler de l’enfance ou de fantastique, transcendé par son style feutré, en fait un objet presque unique dans le paysage de l’animation japonaise. Avec cela, même si l’appréciation est assez personnelle, l’ambiance chaleureuse du Japon des années 1990 se ressent dans chaque coin de l’œuvre, du trait aux décors, de l’atmosphère sonore aux objets.

En somme, Je peux entendre l’océan est un symbole du savoir-faire des studios Ghibli. Produit pour la télévision, disposant d’une durée courte et réalisé par un artisan de l’animation japonaise qui n’a pas officié sur d’autres longs de Ghibli, le métrage montre une esthétique cohérente et une âme propres au cadre dans lequel il a été créé, probablement infusée par la direction de Takahata Isao et Miyazaki Hayao.

Maxime Bauer.

Je peux entendre l’océan de Mochizuki Tomomi. Japon. 1993. Sur Netflix le 01/02/2020