Le FICA est bien connu pour diffuser au public français des films difficiles d’accès venant de l’ensemble de l’Asie, et pas seulement la trinité Japon-Corée-Chine. C’est le cas du documentaire The Opium War de John La Raw, une plongée dans la lutte contre l’opium au Myanmar.
Le Myanmar est connu pour ses nombreux temples bouddhistes et sa junte militaire, un peu moins pour sa production d’opium. C’est pourtant le deuxième producteur mondial d’opium, spécifiquement l’État de Kachin, au Nord du pays. Un État atypique au sein du pays, à majorité catholique, et qui s’est longtemps battu – en vain – pour son indépendance. Cet État est gangréné par la production et la consommation d’opium. Chiffre effarant : 10% de sa population est toxicomane, en majorité des chercheurs de matières premières (le jade par exemple) qui exploitent des mines toute la journée en espérant faire fortune et en finissant par se trouer les veines et chasser le dragon.
En 2014, face à l’inaction du gouvernement, le mouvement citoyen Pat Jasan, issu des communautés catholiques, est parti en croisade contre les producteurs d’opium. Le principe : créer des centres de désintoxication, chasser (illégalement) les vendeurs d’opium et détruire les productions d’opium (le gagne-pain de la plupart des agriculteurs).
C’est ce mouvement Pat Jasan qu’a suivi John La Raw, lui-même prêtre catholique, surtout dans l’année 2016, date pivot qui a vu un débat parlementaire sur ce phénomène et plusieurs affrontements mortels entre Pat Jasan et les agriculteurs. La progression du documentaire est assez limpide : présentation de l’État Kachin, entretiens avec des mineurs toxicomanes, découverte des militants de Pat Jasan… et un suivi plus poussé des heurts de l’année 2016. Acquis à la cause de Pat Jasan, John La Raw suit les militants dans leurs tribulations, protégés un temps par la police locale, détruire des champs d’opium. Cette croisade anti-drogue prend une tournure plus sombre quand des agriculteurs (parfois soutenus par des factions para-militaires) s’opposent à Pat Jasan les armes à la main.
Sur le fond, le documentaire est réussi : le spectateur est sensibilisé au problème d’opium au Myanmar et au mouvement citoyen Pat Jasan. Sur la forme, cela reste très conventionnel. On regrettera le manque de témoignages de partisans de Pat Jasan et d’agriculteurs d’opium mais la tension est palpable entre les deux camps. Le réalisateur a choisi le discours factuel au détriment de l’immersion auprès d’un groupe de personnes. Ce parti pris réduit quelque peu l’impact du documentaire.
The Opium War est plutôt une porte d’entrée à une multitude de documentaires possibles : du point de vue d’un militant de Pat Jasan, d’un agriculteur désœuvré, d’un mineur toxicomane, d’un policier ou d’une personnalité politique.
Marc L’Helgoualc’h.
The Opium War de John La Raw. Myanmar. 2019. Projeté au FICA 2020
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