EN SALLES – Le Photographe de Ritesh Batra (en salles le 22/01/2020)

Posté le 22 janvier 2020 par

Après A l’heure des souvenirs et Nos âmes la nuit en 2017, le réalisateur indien Ritesh Batra revient à domicile pour la première fois depuis The Lunchbox, avec Le Photographe. Un film charmant quoique trop lisse, traitant avec finesse de l’amour par-delà les classes sociales.

Pour ménager Dadi (Farrukh Jaffar), sa grand-mère malade qui est désormais sa seule famille, Rafi (Nawazuddin Siddiqui), modeste photographe célibataire d’une quarantaine d’années, s’invente une fiancée. Ou plus précisément, propose à la jeune et jolie Miloni (Sanya Malhotra), brillante étudiante photographiée une fois en ville, de se faire passer pour sa chérie le temps d’une brève rencontre. Ils finiront bien sûr par se prendre au jeu. On peut déplorer que Le Photographe ne parvienne à sortir des sentiers battus du genre (la différence de classe rend-elle cet amour naissant impossible ? La grand-mère est-elle aussi naïve que le croit Rafi ?…) mais force est de reconnaître à Ritresh Batra, révélé en 2013 avec le charmant The Lunchbox, une réelle habileté dans l’installation de ces rapports ambigus.

Si Rafi et Miloni, le temps du film en tout cas, ne franchissent jamais le cap sensuel (pas de baiser ni d’étreinte avérée), le cinéaste parvient, par la patience de son découpage, à laisser s’incarner leur complicité naissante. Quelque chose dans les plans qu’ils partagent témoigne, à mesure que l’on avance, de leur désir mutuel. Les scènes qui les séparent ont quant à elles l’intelligence de révéler l’écart indépassable entre leurs modes de vie respectifs. Rafi habite un foyer vétuste, partageant avec d’autres hommes (et bientôt sa grand-mère) une même pièce pour la nuit. Miloni, dont la famille plutôt aisée aspire à ce qu’elle épouse un fils de bonne famille installé aux USA, dispose de sa propre chambre, même si la rencontre avec cet étranger pauvre la rend enfin curieuse des origines de leur domestique, avec qui elle entame de longues discussions nocturnes.

Le film aurait gagné à être moins lisse, moins prudent dans son esquisse d’une romance par-delà les classes mais sa dernière scène, que l’on ne dévoilera pas, a le mérite de laisser le récit en suspens. Rien n’assure en effet que la relation du photographe et son modèle aboutisse au happy end attendu. Ritresh Batra fait preuve d’une surprenante audace en laissant en quelque sorte ses personnages devenir les propres auteurs de leur destin. C’est ce décrochage final qui laisse augurer de possibles surprises pour le futur de la part d’un cinéaste pas si dupe des tours de passe passe de la fiction populaire.

Sidy Sakho.

Le Photographe de Ritesh Batra. Inde. 2019. En salles le 22/01/2020

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