Excellente initiative du Festival Black Movie de projeter Height of the Wave du Coréen Park Jung-bum, réalisateur pour l’instant assez confidentiel mais qu’on espère voir régulièrement dans les années à venir.
La sélection asiatique du Black Movie est riche en films déjà attendus : L’Infirmière de Fukada Koji, Öndög de Wang Quan’an, Jinpa de Pema Tseden ou House of Hummingbird de Kim Bora. Pour ma part, c’est bien Height of the Wave la plus grosse attente. La raison ? En 2019, Park Jung-bum a sorti deux films : Height of the Wave et Not in this World, pour l’instant uniquement projeté au Festival de Busan. Et j’étais dans la salle… pour ce coup de poing de 2h45 qui mêle misérabilisme, prostitution de mineures, violence exacerbée, rédemption et parabole biblique. Et voici donc Height of the Wave qui est une version longue et remaniée (94 minutes) d’un moyen métrage (60 minutes) diffusé en janvier 2019 sur dans le cadre de la franchise télé TVN « Drama Stage ».
Comme pour Not in this World, Park Jung-bum choisit un thème où l’on ne badine pas : la prostitution de mineures, l’égoïsme, la veulerie et l’hypocrisie… et un peu de dépression. L’histoire ? À la suite à un divorce, une inspectrice de police et sa fille adolescente débarquent sur une île peuplée d’hommes qui entretiennent une relation louche avec une jeune orpheline (20 ans). L’inspectrice comprend rapidement que l’orpheline est le jouet sexuel des villageois, elle décide d’intervenir, ce qui n’est pas du goût des villageois dont le maire cherche à ne pas faire de vagues et à faire inscrire son village dans un programme de développement touristique. S’ensuivent, alternées, une séquence de fugue entre l’orpheline et la fille de l’inspectrice, et une « chasse à la femme » de la part de villageois qui n’est pas sans rappeler Les Chiens de paille de Sam Peckinpah. Pas de complaisance dans cette tranche de vie dans la noirceur de l’homme. Park Jung-bum reste sobre dans sa mise en scène et dans ses dialogues.
La photographie est exceptionnelle, notamment lors des scènes tournées dans l’église de fortune (la lumière rose), véritable lumière dans le film, église de fortune, lieu des seuls échanges sensés, confessions et messages de vérité. L’aspect religieux était déjà très présent dans Not in this World (avec un personnage principal nommée Ji-su), c’est encore le cas ici, avec en point d’orgue l’avant-dernière scène, baptême et renaissance. Facilité narrative ? Référence éculée ? Libre à chacun de juger cet apport du discours et de la morale religieuse.
La volonté initiale de Park Jung-bum pour ce film TV adapté en long-métrage était de dénoncer l’hypocrisie de la société coréenne sur la prostitution. Il n’y va pas par quatre chemins tant la plupart des personnages du film sont des fumiers (mais sur lesquels peuvent pousser des roses). La conclusion du film (post-baptême) est d’ailleurs sidérante et vient de sonner la fin de la récréation. Park Jung-bum : l’art et la manière.
Marc L’Helgoualc’h
Height of the Wave de Park Jung-bum. Corée. 2019. Projeté au Festival Black Movie 2020.