Midi Z Nina Wu

EN SALLES – Nina Wu de Midi Z (en salles le 08/01/2020)

Posté le 8 janvier 2020 par

Le réalisateur taïwanais Midi Z signe avec Nina Wu, en salles à partir du 8 janvier, un film aussi fascinant qu’ambigu, fruit de l’étroite collaboration scénaristique entre un cinéaste et son actrice.

Le fait que son actrice principale, la formidable Wu Ke-xi, soit à l’origine du scénario permet d’abord de lever toute ambiguïté quant à l’emprise univoque d’un cinéaste tout-puissant. Cette Nina Wu qu’elle incarne et qui subit de bout en bout un nombre considérable d’humiliations est en effet le produit de sa propre expérience et sa sensibilité aux témoignages des victimes de Harvey Weinstein. Le projet est ici de mettre en lumière la part d’ombre du métier, cette usine à rêve que cherche tant bien que mal à demeurer le cinéma à fort potentiel commercial, et ce quelles que soient les répercussions notables du mouvement #me too. Nina est une jeune provinciale venue s’installer à Taipei dans l’espoir de devenir actrice. Ayant jusqu’ici essentiellement joué dans des publicités, elle se voit enfin proposer par son agent le premier rôle féminin d’un film à gros budget. Bémol, celui-ci comporte des scènes de nu.

Bémol parce que la pudeur de la jeune femme, sa difficulté à s’abandonner totalement au rôle et au modelage d’un cinéaste et une production sûrs de leur fait sera la source d’une fiction progressivement délirante, de plus en plus libérée dans ses parti pris de mise en scène. Nina, après avoir tout donné dans un tournage éprouvant, devient certes une star. C’est pourtant à ce moment que non seulement la rattrapent ses origines (elle doit retourner dans son village natal pour se rendre au chevet de sa mère malade ; village où elle retrouve Kiki, belle fille simple qui fut aussi son premier amour) mais aussi des images mentales que l’on devine être le refoulé d’un récent trauma. Quelque chose dans sa réussite a demandé un sacrifice excédant la seule question de sa pudeur. De cette réussite dépendait peut-être l’anéantissement d’autres carrières.

La dernière partie est consacrée à la superposition de ces différentes couches de réalité. Que vit réellement Nina, où se situe-t-elle désormais ? L’apparition récurrente d’une rivale lui reprochant de lui avoir volé le rôle de sa vie fait prendre au film, dans des scènes alliant crudité pulsionnelle et sophistication high-tech, des allures de Passion de De Palma. La dominante rouge, synonyme de prééminence du spectacle, peut quant à elle renvoyer au Lynch de Blue Velvet ou Mulholland Drive. Mais on veut surtout saluer l’adaptation de Midi Z, connu pour un cinéma à vocation plus réaliste, à ce type de récit à double voire triple fond, quitte à déplorer son impossibilité à trancher. Aussi fascinant que déplaisant, aussi doué d’empathie pour son héroïne que complaisant dans sa représentation d’un milieu sujet au sadisme, Nina Wu a l’intérêt esthétique de faire corps avec son sujet cauchemardesque. Jusque dans la neutralisation de toute issue de secours.

Sidy Sakho.

Nina Wu de Midi Z. Taïwan. 2019. En salles le 08/01/2020