EN SALLES – Le Mystère des Pingouins de Ishida Hiroyasu : aventures estivales (en salles le 14/08/2019)

Posté le 21 août 2019 par

L’été 2019 est un été chargé en animation japonaise, puisque rien qu’en moins d’un mois, ce sont quatre films qui ont trouvé le chemin des salles obscures, Les Enfants de la mer, Wonderland, le royaume sans pluie, Promare et Le Mystère des Pingouins. Une sélection que l’on qualifiera de rafraîchissante à tous points de vue, autant sur la forme que sur le fond. Dernier arrivé en date, ce Penguin Highway, nom de l’oeuvre originale, échappée ludique et survoltée aux lisières du fantastique.

Avant d’être un long-métrage, qui plus est le premier de son réalisateur Ishida Hiroyasu, Penguin Highway est un roman écrit par Morimi Tomihiko. Il narre les aventures d’un enfant, Aoyama, dont le quotidien va être chamboulé par l’apparition de pingouins dans sa ville de province japonaise. Il va vite découvrir que la jeune femme dont il est amoureux est capable de créer un pingouin à partir de n’importe quel objet. Une idée bien perchée donc, mais traitée ici avec juste ce qu’il faut de folie, beaucoup d’humour et une infinie tendresse.

La bonne idée du film, qui l’exploite d’ailleurs brillamment, c’est de faire débarquer la fantaisie de cette invasion de pingouins dans le quotidien d’un individu qui est plutôt d’un naturel sceptique et terre à terre. Notre jeune héros n’a pas la fibre aventureuse d’une Chihiro, pour rester dans la comparaison facile avec Miyazaki, et se révèle souvent trop cérébral pour son bien, gamin déjà blasé de son enfance et comptant les jours avant son passage à l’âge adulte. Aoyama est un enfant qui réfléchit trop, en devient souvent énervant et limite asocial, mais ce qui ne l’empêche pas d’éprouver des sentiments amoureux envers l’assistante du dentiste local. Ça tombe bien, elle n’est pas étrangère au phénomène des pingouins. Et donc à cette enquête vient se greffer une histoire d’amour, histoire que l’on devine impossible vu l’âge des personnes concernées et l’absence de réciprocité de la part de la jeune femme, mais qui va en quelque sorte éveiller Aoyama et le temps d’une fin d’été, lui offrir la plus belle des aventures. Et ce sont cette légèreté, cette fraîcheur et cette naïveté qui font du Mystère des Pingouins un film d’animation réussi. Il ne faut pas chercher à comprendre le pourquoi du comment (les explications sont d’ailleurs assez touffues, parfois trop vu le résultat final), mais il faut se laisser prendre au jeu, suivre la petite enquête d’Aoyama au gré de ses découvertes, ses bonheurs et ses désillusions,  se laisser émerveiller par la fantaisie de l’ensemble et assister au voyage initiatique d’un petit garçon plein de bonne volonté mais maladroit dans ses relations humaines (sa vision des femmes est quelque peu simpliste, dirons-nous) et qui va apprendre la vie au contact des pingouins. C’est un film d’aventure, une comédie, une belle histoire d’amitié, une romance parfois bancale mais touchante, une parenthèse estivale au bord de l’eau, le tout rythmé par le bruit des cigales. Il y a des enfants courageux, des adultes pas toujours à l’écoute de leurs rejetons, plein d’humour et de bons sentiments. Rien à ajouter, le film se garde bien de distiller un quelconque message écologique bien pensant ou une morale  lourdingue.

Comme précisé plus haut, Le mystère des Pingouins est le premier film de Ishida Hiroyasu, un réalisateur débordant d’idées de mise en scène et d’imagination, issu d’une génération de cinéastes qui ont su s’émanciper du modèle Miyazaki pour apporter à l’animation japonaise leur propre patte, leur style, en s’associant à des studios capables de donner vie à leur vision. En l’occurrence, c’est le studio Colorido qui s’en charge. On risque d’en entendre souvent parler, vu le niveau d’excellence, surtout dans la dernière partie du film qui fait voyager son héros au bout du monde, dans tous les sens du terme, au travers d’images surréalistes et de décors que n’aurait pas renié Dali.

On l’aura compris, Le mystère des Pingouins n’a définitivement pas pour ambition de révolutionner l’animation japonaise. Mais c’est justement cette absence d’ambition et cette volonté de faire dans la simplicité qui marque le plus. Il n’est pas nécessaire d’apposer un discours écologique et moralisateur dans un film pour gagner en crédibilité et intérêt. Il suffit juste parfois de montrer un enfant s’émerveiller, le temps d’une semaine de fin d’été, devant une canette se transformant en pingouin, et de le faire avec finesse et poésie, et ça, Ishida Hiroyasu l’a parfaitement compris. Il a réussi à concrétiser en un film cette sensation universelle que tout un chacun a connu, le sentiment d’avoir passé un été inoubliable rempli d’aventures éphémères mais mémorables.

Romain Leclercq.

Le Mystère des Pingouins de Ishida Hiroyasu. Japon. 2018. En salles le 14/08/2019.