Néanmoins, son dernier film de fiction remontait à 1998 et ce Love’s Twisting Path appartient si peu à la production contemporaine qu’il semble faire figure d’objet enfoui puis restauré tant ses qualités de scénario et tournage appartiennent à un autre Japon. Afin de souligner cet aspect du film, Nakajima le dédie à Ito Daisuke, cinéaste du sabre né à la fin du 19e siècle. Il situe le récit à la fin de l’ère Edo, sur fond de conflit entre les forces du Shogun et des samouraï du Choshu qui veulent rendre le pouvoir à l’Empereur. Autrefois le plus foudroyant d’entre eux, Kiyokawa Tajuro, désormais artiste et ivrogne, s’est retiré de l’histoire afin de vivre au seuil de la taverne d’Otoyo. Ses anciens complices le retrouvent, l’implorent à rejoindre leur combat. Son refus ne satisfait pas les hommes du Shogun, venus menacer Otoyo et ceux qu’elle accueille.
Là où un Sanjuro ou un Zatoichi appellerait à la surenchère, chaque séquence répondant aux adversaires disparus en les remplaçant à partir d’une source quasi-intarissable d’hommes disposés à périr, Tajuro est habile, pas invincible. Ce sont les mêmes hommes qui le poursuivent, qui frappent. En cela, Nakajima dispose d’un atout, l’intelligence du jeu de Kôra Kengo, qui feint, qui fuit et mesure, malgré la réputation qui d’un coup à l’autre lui échappe. Il étire le supplice, notamment dans une extraordinaire séquence de combat dans une forêt de bambous, afin que Otoyo puisse s’échapper, lucide devant la défaite qui l’attend au sabre de Terajima Susumu, autrefois fidèle aux univers de Kitano et Kore-eda. Kôra Kengo, acteur qui a tourné avec Aoyama Shinji, Miike Takashi, Hiroki Ryuichi, acteur de voix chez Takahata, mais aussi immense star de feuilletons télé, se prête entièrement au projet de Nakajima, refusant tout effet de second degré, de citation. Tajuro devient ce dernier samouraï de plus.