Kinotayo 2019 – The Chrysanthemum and the Guillotine de Zeze Takahisa : Rébellion sur le tatami

Posté le 2 mars 2019 par

The Chrysanthemum and the Guillotine de Zeze Takahisa est une des bonnes surprises du dernier Festival Kinotayo : une fresque au résonances politiques toujours vivaces.

The Chrysanthemum and the Guillotine est une fresque historique intimiste qui se pose en miroir de la dérive droitière du Japon contemporain, tant au niveau sociétal que politique. Le film se déroule en 1923 au lendemain du grand tremblement de terre du Kanto. C’est une période qui suit les conflits russo-japonais et précède la guerre sino-japonaise, un moment où s’exacerbe un nationalisme fanatique qui aboutira à la militarisation et l’engagement dans la Seconde Guerre mondiale. Côté masculin, les personnalités rétives à cet autoritarisme ambiant s’incarnent dans le récit par l’opposition politique à travers de vraies figures de l’époque qui se fondent dans la fiction. Pour les femmes, ce sera l’espace de la discipline désormais révolue (depuis 1955) du sumo féminin.

Ces quêtes de liberté se rejoignent et s’opposent à travers les interactions des personnages. L’émotion fonctionne lorsque les luttes et douleurs se conjuguent momentanément, notamment cette magnifique scène sur la plage où l’éloquence de Tetsu (Higashide Masahiro) s’éteint face aux horreurs du parcours de la réfugiée coréenne jouée par Kan Hanae. Plus tard, l’impuissance à défendre la femme qu’il aime d’un protagoniste si vindicatif au départ ramène l’arrogance des intellectuels à cette même fragilité des femmes dans ce monde destructeur. Le film long de 3h observe pas à pas cette évolution intime des personnages passant autant par le dialogue que par de belles idées formelles.

L’héroïne vaillante sort ainsi constamment perdante de ses joutes de sumos, l’abnégation à prochainement vaincre reflétant son désir de changer sa destinée de perpétuelle victime. En refusant d’être expulsée de la zone de combat, elle réfute aussi le déni que la société exerce sur elle en tant qu’individu. Toute la lente narration mène à cet accomplissement même si les humiliations seront nombreuses. La finesse du regard et une subtile esquive du manichéisme (les horribles miliciens tyranniques qui s’avèrent des traumatisés de guerre) rendent donc ce Chrysanthemum and Guillotine captivant, notamment par cette autocritique rare dans le cinéma (et la société) japonais contemporain.

Justin Kwedi.

LIRE NOTRE ENTRETIEN AVEC KIRYU MAI

The Chrysanthemum and Guillotine de Zeze Takahisa. Japon. 2018. Projeté lors du Festival Kinotayo 2019.