BLACK MOVIE 2019 – Dare to Stop Us de Shiraishi Kazuya

Posté le 2 février 2019 par

L’édition 2019 du Festival Black Movie a mis en avant Wakamatsu Koji, réalisateur japonais phare des années 60-70, aux côtés d’Oshima Nagisa ou Yoshida Kiju. Un cinéaste révolté qui a popularisé les pinku eiga en y distillant des messages politiques anarchistes et révolutionnaires. En plus de la projection de trois classiques (L’Extase des anges, Sex Jack et Va, va, vierge pour la deuxième fois), le festival a projeté pour la première fois en Europe le biopic Dare to Stop Us de Shiraishi Kazuya.

Dare to Stop Us est le premier biopic consacré à Wakamatsu, décédé en 2012, après 40 ans de carrière et plus de 100 films. On n’est jamais mieux servi que par soi-même : le film est produit par la Wakamatsu Production, fondée en 1965. Ce biopic a tout du projet familial : de nombreux acteurs ont joué dans les derniers films de Wakamatsu tandis qu’Iura Arata (qui interprète Wakamatsu) a joué dans United Red Army (2008), Petrel Hotel Blue (2012), 11.25 The Day He Chose His Own Fate (2012) et The Millennial Rapture (2013). Yamamoto Hiroshi, qui interprète Adachi Masao (fidèle comparse de Wakamatsu) a joué le rôle principal de The Artist of Fating (2017) du même Adachi ! Dans ces conditions, a-t-on affaire à une hagiographie ou à un hommage trop appuyé ?

Wakamatsu n’est pas – sur le papier – le sujet principal du film. L’histoire est basée sur des faits et des personnages réels : on y suit la jeune Megumi qui rejoint le cercle de Wakamatsu en tant qu’assistante-réalisatrice. Elle va donc côtoyer Wakamatsu et sa clique d’acteurs, d’assistants et de musiciens de 1969 à 1972, soit le pic artistique de Wakamatsu, alors très prolifique, accompagné d’Adachi Masao, scénariste et réalisateur. Une jeune femme assistante-réalisatrice dans un milieu d’hommes, qui plus est pour tourner des films érotiques ? La situation ne manque pas de sel. Dans cet arrière-plan historique d’un Japon en pleine contre-culture (révoltes étudiantes d’extrême-gauche, vogue de l’anarchisme et début du terrorisme international), Megumi tente d’exister professionnellement avec pour but de tourner ses propres longs métrages… Mais difficile de s’affirmer à côté d’un Wakamatsu ici dépeint comme un homme autoritaire et égocentrique, voire tyrannique pendant les tournages, y compris lors des tournages de films d’Adachi ! On touche là à l’un des problèmes du film : même si l’histoire personnelle de Megumi est censée être le pivot du film, la personnalité de Wakamatsu la supplante et les moments les plus intéressants sont ceux dans lesquels Wakamatsu et Adachi parlent de cinéma, parfois accompagnés d’Oshima Nagisa.

L’histoire de Megumi devient vite anecdotique, malgré quelques rebondissements : histoire d’amour avec un photographe, romance morte-née avec Adachi, tentative ratée de réalisation d’un film pour un love hotel. La seule séquence durant laquelle on commence à s’attacher à Megumi intervient lorsque Wakamatsu et Adachi quittent en 1971 le Japon pour filmer la guérilla palestinienne au Proche-Orient pendant plusieurs semaines. Puis Megumi s’efface à nouveau…

Dare to Stop Us est une capsule temporelle attrayante pour qui s’intéresse à la contre-culture du Japon des années 60 même si rien ne vaut pour cela le visionnage de L’Extase des Anges de Wakamatsu ou Sex Game d’Adachi. L’histoire de l’assistante-réalisatrice Megumi n’est (malheureusement ?) qu’un prétexte bien vite effacé pour évoquer la personnalité de Wakamatsu, loin d’être montrée sous le meilleur jour, et témoigner de son empreinte sur son groupe d’amis et de camarades de combat. Si cela peut convaincre les novices à voir ses films, c’est déjà une victoire.

Marc L’Helgoualc’h.

Dare to Stop Us de Shiraishi Kazuya. Japon. 2018. Projeté en première européenne à l’occasion du Festival Black Movie 2019.

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