EN SALLES – Voyage à Yoshino de Kawase Naomi : Étreinte (en salles le 28/11/2018)

Posté le 1 décembre 2018 par

Kawase Naomi poursuit son travail sur la poétique de la croyance avec Voyage à Yoshino, sorti en salles le 28 novembre. Après Vers la lumière, elle nous offre vision, une œuvre qui semble en évoquer d’autres de sa propre filmographie. La cinéaste de Nara se voit hantée par ses propres images, et nous propose de croire en ses fantômes.

Jeanne (Juliette Binoche) est à la recherche d’une plante fabuleuse nommée Vision. Elle décide pour cela de rester quelques jours dans la maison d’un garde forestier solitaire, Tomo (Nagase Masatoshi). La cinéaste de Nara, à travers un dispositif très simple, met en scène des variations d’éléments qui constituent déjà le cœur de son cinéma. L’amour, la perte, la croyance et une mystique en la nature aussi bien celle de la foret qu’une entité cosmique. Mais plus intéressant, Kawase continue sa mystique du cinéma. Alors que son dispositif semble simple et reconnaissable, caméra à l’épaule, gros plan, de la place pour faire exister les corps plus que les personnages, la cinéaste irrigue le film d’une douce tristesse. Ce sentiment se joue à travers le montage qui alterne entre les corps et la nature comme dans ses précédents, mais également entre les flashbacks. Le rythme du métrage permet aux spectateurs de remplir les interstices contemplatifs avec ses propres expériences de perte et de croyance.

C’est là où l’équilibre du métrage est fragile, la cinéaste qui a atteint une maîtrise de son langage se perd parfois entre les images prosaïques et les images sensibles. Certes, le spectateur peut choisir d’y voir ce qu’il veut mais la radicalité de la cinéaste a laissé place à une douceur formelle qui nuit à son abstraction spirituelle. On pense à La Forêt de Mogari ou à Hanezu mais ces deux œuvres épousaient une âpreté qui poussait le spectateur à se questionner sur son rapport aux figures fantomatiques. Ici, elles sont exposées comme des éléments d’une mécanique céleste qui ne semble pas avoir besoin d’un regard pour fonctionner. On peut donc voir la liberté de regard que nous accorde la cinéaste comme une faiblesse ou une limite de son système qui avait atteint une grâce il y quatre ans avec Still The Water.

Le cinéma de Kawase est donc plus que jamais une sorte de rituel qui s’effectue avec toujours autant de cœur mais peut-être moins de ferveur dans ses mouvements. Néanmoins, l’ultime séquence révèle un onirisme explicite et audacieux qui nous laisse entrevoir les chemins numériques que peuvent emprunter son cinéma. Et ouvre peut-être une nouvelle dimension aux œuvres chamaniques de la cinéaste de Nara.

Kephren Montoute.

Voyage à Yoshino de Kawase Naomi. Japon. 2018. En salles le 28/11/2018