Entretien avec Bertrand Mandico : Les Garçons sauvages et le cinéma japonais (en salles le 28/02/2018)

Posté le 28 février 2018 par

Après une dizaine de courts métrages prisés des initiés et des aventuriers visuels, Bertrand Mandico livre avec Les Garçons sauvages son premier long métrage, qui bénéficie depuis quelques mois d’une hype hallucinante, d’une « montée de sève », totalement justifiée, à coup d’avant-premières et projections épiques dans divers festivals (L’Étrange Festival, les Journées Cinématographiques Dionysiennes, etc.). Que l’on soit familier avec l’oeuvre de Mandico ou totalement novice, la vision des Garçons sauvages est un moment marquant, une jubilation de tous les instants, de la scène d’ouverture au générique. On plonge littéralement dans cet univers troublant, organique, ultra-référencé, qui fleure bon la décadence fin-de-siècle. Citer les écrivains, artistes ou réalisateurs convoqués dans cet univers nous ferait écrire une phrase de name-dropping qui ne jurerait pas dans Glamorama de Bret Easton Ellis : William Burroughs, Jules Verne, Arthur Rimbaud, Jean Cocteau, Jean GenetRainer Werner Fassbinder (le clin d’œil à Querelle et ses bittes d’amarrage en forme de pénis), David Cronenberg, Nikos Nikolaïdis… Et les cinéastes japonais dans tout ça ? L’influence nippone a d’emblée sauté aux yeux des rédacteurs d’East Asia. C’était donc l’occasion de rencontrer Bertrand Mandico pour parler de son film et de connaître son rapport au cinéma japonais.

Mais au fait, de quoi parle le film ? Un copier-coller du dossier de presse se chargera de répondre : « Début du vingtième siècle, cinq adolescents de bonne famille épris de liberté commettent un crime sauvage. Ils sont repris en main par le Capitaine, le temps d’une croisière répressive sur un voilier. Les garçons se mutinent. Ils échouent sur une île sauvage où se mêlent plaisir et végétation luxuriante. La métamorphose peut commencer… »

C’est parti pour un entretien passionnant où il sera question de Borowczyk, Terayama, Oshima, Suzuki, Imamura, Wakamatsu, Tsukamoto ou Obayashi… et bien d’autres choses.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours cinématographique, le cheminement de vos premiers courts métrages jusqu’aux Garçons sauvages ?

J’ai commencé en faisant une école d’animation, ce qui me semblait être la porte la plus simple pour m’introduire dans ce monde du cinéma qui m’apparaissait comme une forteresse infranchissable. J’avais l’impression que je n’avais pas le droit de faire du cinéma, ne venant pas du sérail. J’étais assez impressionné. Comme je n’avais pas de caméra chez moi, je rêvais de cinéma par les arts plastiques, en dessinant, en peignant, en faisant des collages. Quand j’ai découvert qu’il y avait une école d’animation, j’ai tenté le concours et j’ai réussi, c’était l’école des Gobelins. Il n’y avait que cette école pour faire du cinéma d’animation. J’ai eu du pot parce que je pense que c’était une période où ils ont ouvert les portes à des personnes particulières. Je n’avais pas vraiment le profil du technicien type, j’étais d’ailleurs un piètre technicien quand j’étais aux Gobelins.

En première année, j’ai réalisé mon premier film et j’ai gagné un concours qui était une publicité pour la Fête de la musique, ça m’a permis de me dire que je voulais vraiment être réalisateur. J’ai développé plusieurs films quand j’étais aux Gobelins, j’ai appris l’animation, et en sortant des Gobelins, j’ai commencé à faire des travaux de commande, assez alimentaires pour dans lesquels je pouvais développer des idées assez personnelles. Petit à petit, je me suis délesté de l’animation, (qui était plus un procédé de trucage qu’une fin en soi) pour aller vers les acteurs et les figures humaines. J’ai franchi le Rubicon. Puis, j’ai arrêté les films de commande pour me concentrer sur l’écriture. Ça a pris plus de temps que ce que j’imaginais, j’ai réalisé beaucoup de courts métrages. J’ai développé des longs métrages avec des producteurs plus ou moins inspirants ou inspirés.

Comment avez-vous développé votre patte avec ces courts métrages ?

Avec les films de commande (fin des années 90, début 2000), j’ai appris à dépenser beaucoup d’argent. Grâce à ça, j’ai pu me dire que je pouvais faire des films plus simplement, en étant tout aussi exigeant mais en étant malin. Je tourne sur format pellicule, c’est un support qui me convient, je détestais l’idée de passer du temps derrière des informaticiens à truquer, je voulais tout résoudre au tournage dans un souci d’économie. J’ai commencé à écrire des courts métrages, petit à petit j’ai construit une filmographie, en essayant de trouver de l’argent avec le CNC et les aides régionales, ou en me débrouillant avec ce que j’avais sous la main. Pour moi, tous les films que je fais n’en font qu’un, c’est comme une plante avec des ramifications qui vont vers la comédie ou un autre genre. Une cohérence qui n’en finit pas de se répandre.

« Terayama est la porte d’entrée« 

Quel est votre rapport avec le cinéaste Borowczyk, à qui vous avez consacré un film, et au cinéma asiatique ?

C’est assez lié. Terayama est la porte d’entrée. Quand j’étais aux Gobelins, il y avait une filmothèque assez importante, j’avais un professeur d’animation qui s’appelait Pascal Bilnet qui nous a montré beaucoup de choses, je suis tombé en amour devant les films de Borowczyk. Pour moi c’était la figure de proue d’un cinéma d’animation lié au surréalisme. Dans la même période, j’étais impressionné par des assemblages de Cindy Sherman. J’y voyais une cohérence. En regardant le travail de Borowczyk qui était disparate (dans chaque film il décidait d’une technique nouvelle), j’ai découvert qu’il avait des longs métrages, le tournant qu’il a pris m’a passionné, le côté cinéaste surréaliste et érotique, c’était comme un modèle pour moi. J’ai réalisé mon premier court-métrage, Le Cavalier bleu, qui est un film d’animation, qui peut s’apparenter à cette même famille de cinéastes. J’avais eu une carte blanche dans un cinéma, j’avais décidé de passer Renaissance de Borowczyk, il l’a su et il a proposé que je le rencontre, et moi, lâchement je n’y suis pas allé, j’étais trop impressionné. Je me suis inventé une bonne raison en me disant ‘J’irai plus tard’ mais j’ai tellement tardé qu’il est mort. De fil en aiguille, je me suis retrouvé à piloter la rétrospective Borowczyk, et pour boucler la boucle, j’avais envie de faire une fiction autour de sa figure, mais aussi en oubliant sa figure, en mettant en scène mes propres obsessions, c’est comme ça que j’ai fait Boro in the Box.

Le Labyrinthe d’herbes de Terayama, segment de Collections privées

L’oeuvre de Borowczyk m’a beaucoup imprégné, il a tissé une filmographie extrêmement cohérente, avec des courts métrages qu’il a fait tout au long de sa carrière, et ses longs métrages, même si ce n’est pas l’homme d’un chef-d’oeuvre mais d’une œuvre extrêmement cohérente, épatante et extraordinaire. En découvrant ses courts métrages, j’ai acheté la VHS Collections privées dans laquelle il y avait des segments de Borowczyk, de Just Jaeckin (assez pitoyable) et de Terayama (sublime). Sans le savoir, je connaissais déjà Terayama parce que j’achetais des vieux numéros de ZOOM quand j’étais étudiant, j’avais découpé des photos de Terayama pour décorer mon appartement, je trouvais ça très beau. Pour moi c’était un homme de théâtre, je n’avais pas compris que c’était un cinéaste. J’ai cherché à voir ses films. C’est un cinéaste important dans sa démarche et dans son rapport au cinéma. Mais dans l’Asie, il n’y a pas que lui, il y a Tsukamoto, Imamura, toute une constellation de cinéastes qui me montrent une voie par leur liberté formelle et la façon qu’ils ont de contourner la censure. Je ne suis pas spécialiste du Japon mais il y a un rapport à l’érotisme et à la cruauté qui me touche beaucoup, je trouve ça sensuel, élégant et d’une grande liberté créative.

Entre Jules Verne et William Burroughs

Quelle est la genèse des Garçons Sauvages, votre premier long métrage ?

Ce n’est pas le premier film que j’ai écrit, il était en gestation. J’avais envie de créer un récit romanesque, un vrai récit d’aventure, avec un côté lyrique et surréel dans lequel la notion de genre, dans tous les sens du terme, allait être abordée de manière frontale, une sorte de collage, un télescopage entre des lectures de jeunesse : Jules Verne, qui était plutôt des lectures imposées, même si j’y prenais un certain plaisir, et des lectures d’adolescence, comme Les Garçons sauvages de William Burroughs, qui sont des lectures qui m’ont troublé et excité. C’est ce passage de l’enfance à l’adolescence, cette zone floue où l’on passe d’une littérature imposée à une littérature « interdite » qu’on découvre par nous-même. J’ai voulu créer une bouture entre ces deux mondes. Ça c’est le point de départ. J’ai commencé à tisser le récit. J’avais été marqué par certaines images d’Henry Darger, ça m’a ouvert l’imaginaire, des jeunes gens un peu hybrides maltraités par des Mexicains. Je me suis mis à rêver un film où je sors de la réalité et j’ai élaboré le récit des Garçons sauvages.

Comment s’est déroulé le casting ? Aviez-vous des rôles en tête au moment de l’écriture ?

Non, au moment de l’écriture, je ne pensais à aucune actrice. Rares sont les films où j’écris pour une actrice, je le fais avec Elina Löwensohn dans les films qu’on développe pour notre collection ; je l’ai fait une fois avec Nathalie Richard et Elina pour Notre Dame des Hormones, où j’ai vraiment écrit une partition pour elles.

Deux des garçons sauvages font penser physiquement à des personnes réelles : William Burroughs (Anaël Snoek) et David Bowie période Thin White Duke (Diane Rouxel). Est-ce intentionnel ?

Pas vraiment, vous êtes le premier à me dire ça. D’ailleurs j’aime bien cette idée qu’Anaël Snoek ressemble à Burroughs. J’avais envie que les 5 garçons soient un peu comme les Beatles, avec une uniformité dans les silhouettes.

Cette uniformité sonne très japonaise, dans le traitement ou dans l’esthétique, c’est très Oshima, le fait qu’ils agissent en bande. On retrouve une vision cruelle du monde d’Oshima et de son traitement de l’adolescence.

Oshima n’est pas le cinéaste que je connais le mieux, ce n’est pas mon influence principale. J’ai vu dernièrement Tabou, c’est sublime. J’ai plus pioché chez Terayama où l’uniforme est présent…

Ou dans l’esthétique ero-guro ou du Japon de la Seconde guerre mondiale qui sont présentes dans votre film, avec des étudiants très carrés, avec leurs propres codes...

Ce serait plus Elégie de la bagarre, c’est un film qui m’a marqué, j’aime beaucoup Suzuki Seijun.

On retrouve ce côté gang dans Battle Royale de Fukusaku Shinji et d’autres films.

Oui, c’est assez récurrent, cet uniforme, dans le Mishima de Paul Schrader. Je pensais aussi à l’uniforme anglais, dans Le Marin rejeté par la mer, l’adaptation d’une nouvelle de Mishima, par Lewis John Carlino, avec Kris Kristofferson. L’histoire d’un garçon voyeur qui épie sa mère. Dans le film, les garçons portent tous un uniforme, il y a un rapport à la cruauté et une hiérarchie dans la bande… J’ai montré ce film aux actrices des Garçons sauvages.

Dans Furyo d’Oshima aussi, notamment les séquences avec David Bowie…

C’est un Oshima que j’adore. Mais ce sont plus des réalisateurs comme Imamura qui m’ont marqué, même s’il n’y a pas d’uniformes dans ses films. J’ai vu La Ballade de Narayama dans une station balnéaire du sud de la France, à l’époque, peu après sa sortie.

Bertrand Mandico : à contre-courant, à contre-jour.

« Je voyais le film comme un arbre noir avec des fruits colorés« 

Vous avez cité un autre réalisateur japonais lors d’une avant-première des Garçons Sauvages au Forum des Images : Wakamatsu Koji, pour l’utilisation de la couleur dans ses films en noir et blanc – par souci d’économie certes mais aussi par esprit putassier pour bien montrer du sang – du rouge – aux spectateurs, lors des scènes de violences ou de sexe. Vous expliquiez que vous, vous aviez utilisé les séquences en couleur par instinct.

L’utilisation de la couleur « racoleuse » chez Wakamatsu m’a plus plu, cette intrusion infligée comme une gifle au spectateur. J’avais pensé Les Garçons sauvages en noir et blanc dès le départ, par souci d’économie, mais aussi parce que j’aime bien l’idée de la jungle en noir et blanc. Je trouve que le vert pollue un peu les yeux. Je me suis dit que j’allais travailler à la Wakamatsu avec des intrusions très colorées dans le film mais je ne voulais pas que le spectateur puisse anticiper ou trouver une logique évidente à la couleur. Quand un film utilise systématiquement la couleur pour le flashback ou les fantasmes, on comprend vite la grammaire mise en place et il n’y a plus de surprises. Je voulais plus de ressenti, de mental, d’irrationnel. J’ai élaboré les passages en couleur lors de l’écriture du scénario, comme une ponctuation, une montée de sève. Je voyais le film comme un arbre noir avec des fruits colorés.

Vous parliez tout à l’heure du caractère viscéral et charnel de votre cinéma, comme chez Tsukamoto. Quel est votre rapport à ce cinéaste ? À la fin des années 90, Gaspar Noé a eu pour projet de collaborer avec lui. Est-ce que cela vous intéresserait ?

C’est drôle parce que j’ai travaillé un temps avec un producteur qui était vendeur/distributeur des films de Tsukamoto. Un jour, il m’a demandé si ça me plairait d’écrire pour Tsukamoto, sans forcément que ce que ce soit une demande de Tsukamoto lui-même. Tout de suite j’ai pensé à une adaptation de J.G. Ballard, L’Île de béton. C’était un rêve plus qu’autre chose, j’aurais aimé qu’il adapte ce livre. Pour ce qui est de collaboration, non, je suis plus solitaire. J’ai beaucoup aimé Tsukamoto jusqu’à un moment. Le désamour est venu avec son abandon de la pellicule. Le numérique lui a permis beaucoup de possibilités, peut-être trop, et il s’est un peu perdu. La contrainte de l’argentique faisait que son univers se tenait plus, même s’il essayait des choses différentes. Il est très urbain, cyberpunk, fusion du corps et de la machine. Je suis plus organique. Je me sens plus proche de Fujiwara Kei, qui jouait dans Tetsuo et qui a réalisé par la suite Organ. Elle a travaillé sur la fusion organique avec la nature, un cyberpunk plus féminin.

Tsukamoto Tetsuo

Fujiwara Kei dans Tetsuo de Tsukamoto Shinya

C’est cohérent, les cinéastes japonais que vous citez ont un rapport fort avec les îles : par exemple, Imamura qui, dans Le Profond désir des dieux, montre Okinawa comme une entité vivante qui absorbe les gens. Quel est votre rapport à l’île, un endroit d’enferment et de fantasme ?

Comme on se coupe du monde, on peut créer son propre monde dans l’île. L’île renvoie à la mythologie. Dans les voyages d’Ulysse, chaque île a sa spécificité. Je vois beaucoup l’île comme une entité féminine.

L’un des nœuds de votre film est le genre. Au Japon, c’est prégnant mais traité différemment, de façon beaucoup plus ouverte, comme dans Gemini de Tsukamoto.

Je citerais un autre film qui me vient à l’esprit : La Vengeance d’un acteur d’Ichikawa Kon. L’acteur principal joue une femme. Il est bluffant parce qu’il joue aussi un homme, c’est hallucinant. Ce genre de jeu m’intéresse beaucoup, j’aime l’idée d’offrir aux acteurs et actrices des possibilités autres que ce qu’on leur propose habituellement.

Comment avez-vous réalisé les trucages des Garçons sauvages ?

Il y a des trucages optiques : la surimpression d’images, la rétro-projection – comme dans la scène du tribunal avec Christophe Bier ou les séquences sur la mer. Il y a aussi des trucages avec des prothèses, comme le masque du chien. Ce sont des trucages très basiques mais il faut que ce soit bien fait.

Quels cinéastes japonais contemporains vous intéressent ou vous interpellent ?

Je suis très curieux de ce que fait Sono Sion mais pas toujours convaincu. Un film sur deux m’emballe. Park Chan-wook me fascine à chaque fois. Apichatpong Weerasethakul aussi, il est au-dessus du panier. Kurosawa Kiyoshi, ça fait un moment que je n’accroche plus trop. J’avais aimé son livre publié chez Rouge Profond sur ses influences, sur son rapport au genre. Je me suis amusé à voir les films cités que je ne connaissais pas ou sur lesquels j’avais un a priori. En ce qui concerne l’animation : feu Kon Satoshi et Miyazaki Hayao. Sinon, le segment de Funky Forest réalisé par Miki Shunichiro qui a après réalisé Wrapped Forest [et la très bonne série twin-peaksienne Atami no Sousakan, ndla].

Funky Forest

Funky Forest de Miki Shunichiro

[Après avoir évoqué pendant quelques minutes Ishii Sogo et 964 Pinocchio de Fukui Shozin] C’est vrai qu’on voit de moins en moins ce genre de films, j’ai l’impression que ce sont des réalisateurs venus de la campagne, qui ont participé à des troupes de théâtre, héritiers de Terayama, qui ont développé quelque chose de sauvage dans leurs films, comme des artistes contemporains comme Paul McCarthy, Jake et Dinos Chapman, qui ont justement réalisé une série projetée à l’Étrange Festival  – ça se passe sur une île volcanique.

« Il n’y a pas tant de choses que ça ?« 

On retrouve justement cet esprit de troupe de théâtre dans votre cinéma…

En travaillant avec Elina Löwensohn surtout, il y a cette idée de recherche, de laboratoire. Je viens de tourner un film [Ultra Pulpe] dans lequel on retrouve des garçons sauvages : Vimala Pons, Pauline Lorillard et Nathalie Richard. Il y a toute une mouvance de cinéastes extrêmement visuels comme Romeo Castellucci, Philippe Quesne ou Vincent Macaigne en France. Curieusement, c’est dans le théâtre que je vois des choses motivantes et inspirantes.

Y a-t-il un cinéma français dont vous vous sentez proche ou êtes-vous dans votre propre îlot ?

Je suis assez proche de Yann Gonzalez, c’est un frère de cinéma. On a nos différences, bien sûr. Je suis plutôt là où je suis, j’arrive avec mon premier long métrage. Je vois qu’il y a quand même des cinéastes francs-tireurs dans ma génération : je ne vais pas commencer à citer des noms parce que je vais en oublier. Virgile Vernier, Clément Cogitore, Antonin Peretjatko. Ce sont des cinéastes à l’identité très forte, qui font des films à la première personne, qui ont une cohérence, un univers nourri d’influences multiples. Julia Ducournau, avec Grave, c’est vraiment intéressant de voir comment elle s’accapare le genre. Ça me rassure de savoir qu’ils sont là, de voir naître cet archipel.

Sinon, Leos Carax reste la figure de proue de ce mouvement français qui montre la voie, par sa liberté, son onirisme, sa façon de prendre à bras le corps le cinéma. FJ Ossang est comme un ange noir de Carax. C’est très beau mais il est obsessionnel, il reste dans le même sillon plastiquement, il ne dévie pas, sa ligne est d’une cohérence absolue. Moi j’ai envie de zigzaguer.

Bertrand Mandico

Y a-t-il des mangas ou des œuvres picturales qui vous intéressent ?

Maruo, j’adore. Ça fait un moment que je lis ce qu’il fait. C’est un univers qui m’inspire beaucoup. J’ai pas mal lu le manga Spirale d’Ito Junji. Je n’aime pas le graphisme mais les récits sont prodigieux. Dernièrement, j’ai découvert un manga de mauvais goût : Lady Boy vs Yakuzas de Sakurai Toshifumi.

Qu’attendez-vous en 2018 sur le plan du cinéma japonais ?

J’attends des rééditions DVD de Funeral Parade of Rose de Matsumoto Toshio et de House d’Obayashi Nobuhiko. Deux films importants. Dans les nouveaux films, j’attends de découvrir des perles mais je suis un peu désespéré. Il n’y a pas tant de choses que ça ?

Propos recueillis par Marc L’Helgoualc’h et Kephren Montoute le 10 janvier 2018.

Photos de Kephren Montoute.

Remerciements : Karine Durance.

Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico. France. 2017. En salles le 28/02/2018.