FFCP 2017 – Entretien avec Kim Kyoung-won pour The Artist: Reborn

Posté le 8 novembre 2017 par

A l’occasion de la projection de son premier long-métrage, The Artist: Reborn, au Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), nous avons pu nous entretenir avec le jeune cinéaste Kim Kyoung-won.

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Quel est votre parcours ?

J’ai grandi dans une famille normale et j’ai eu une enfance très banale. Néanmoins, mes parents travaillaient beaucoup et je restais à la maison avec mes deux grandes sœurs beaucoup plus âgées que moi. Elles invitaient beaucoup d’amies qui étaient dans des domaines artistiques. Et surtout beaucoup de garçons musiciens qui cachaient leur instrument chez moi parce que mes parents ne faisaient pas attention. J’ai donc côtoyé énormément de jeunes gens qui se dévouaient à l’art et j’ai assisté à beaucoup de déceptions. J’ai donc été confronté très tôt (en primaire) à la réalité de ce qu’impliquait une vie d’artiste, et je m’étais dit que ce n’était pas fait pour moi. Je ne me voyais pas comme quelqu’un de talentueux et je suivais une voie banale. J’ai écouté mes parents et j’ai fait une école d’ingénieur. Au final, je n’étais pas très bon. Après mon service militaire, j’ai eu le déclic sur le cinéma. J’ai donc arrêté l’école d’ingénieur pour me lancer dans le cinéma.

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce film ?

Ce film est le résultat de mon propre questionnement sur ma vie. Après avoir fait mes deux premiers court-métrages, j’ai eu une période de dépression. Pour m’aider, j’ai écrit ce scénario comme thérapie.

Vous êtes très proches de vos acteurs à travers une utilisation répétée de la caméra à l’épaule. Est-ce que c’est une réflexion esthétique ou c’est surtout inhérent à l’économie du film ?

C’était un entre-deux. Le plan fixe nécessitait beaucoup plus de travail de composition à tous les niveaux, et nous n’avions pas les moyens car nous sommes indépendants. La caméra à l’épaule était donc une bonne option. C’est aussi l’effet que je recherchais, même si le film contient quelques plans fixes, c’est surtout le mouvement de la caméra qui domine.

Le film, par son caractère léger et fantastique, prend des allures de fable. Est-ce que vous aviez une volonté de faire un conte moral à travers le monde de l’art ?

J’adhère à cette lecture légère, à la vision du conte. Mais concernant la morale, je trouve cela assez compliqué. A la fin du film, je ne voulais pas donner une leçon aux spectateurs et je ne suis pas bien placé pour le faire. Il y a d’ailleurs eu une discussion avec mes producteurs sur ce sujet, qui voulaient que je change des choses. Nous avons trouvé un terrain d’entente à ce sujet. Plus le film avance et plus il devient cynique, mais je voulais garder une certaine légèreté. En tant que spectateur moi-même, je ne crois pas devoir forcer la vision du public. C’est pour ça que je suis d’accord avec vous lors de la première partie du film mais pas pour la fin du film.

Je me permets d’ajouter que je ne vois pas le film comme très drôle. C’est surtout une sorte de critique sur les gens qui peuplent le milieu de l’art en Corée du Sud. Mais je ne voulais pas que ce soit pessimiste, ni que l’on tombe dans le sarcasme total, j’ai donc tenté de trouver un équilibre.

Justement, il y a une sorte de dualité qui se joue tout au long du film entre le personnage de Giselle très innocent et celui de Jae-bum, très cynique. Est-ce que c’est l’affrontement de ces deux visions de l’art qui vous intéresse ? A la fois comme expression intime, comme don et comme valeur marchande ?

Je crois que c’est une question qui est au cœur des réflexions des gens qui aspirent à devenir artiste. Ce n’est pas simplement une question d’argent. Depuis notre jeunesse, on se demande « est-ce que je suis fait pour ça ? », « est-ce que je veux vraiment faire ça ? », « est-ce que j’aime le faire ou je veux devenir riche ? ».  En Corée, on nous déconseille fortement les voies artistiques car elles ne nous permettent pas de gagner notre vie. A travers Giselle, je voulais montrer que malgré la difficulté que cela représente d’être un artiste en Corée, on peut persévérer. C’est aussi une étape que j’ai traversée.

Concernant le personnage de Giselle, il y a dans le film des moments très éthérés dont elle est l’objet qui rappelle une esthétique de clip de K-pop (ce qui n’est pas péjoratif car les clips en Corée du Sud sont d’une grande qualité formelle). Est-ce que c’est une esthétique qui vous parle ?

Oui, ce sont des moments que je voulais très beaux. C’est également parce que malgré notre petit budget, notre équipement était très professionnel et de qualité. J’ai donc cherché à rendre ces moments de solitude de Giselle très oniriques. Je pense que ça correspond à la finalité du film, je voulais que ces scènes soient réussies pour me prouver que même si c’est un film indépendant, on peut créer ce genre d’images. D’autre part, le film raconte l’histoire d’une personne qui meurt et qui revient à la vie, il fallait aussi marquer ce côté fantastique. C’est quelque chose qui n’existe pas, comme ces images fantasmagoriques.

Quelles sont vos influences pour ce film ?

C’est une question que je me suis posé en voyant le film : « quelles influences peuvent donner un tel film ? ». Et le premier nom qui me vient à l’esprit c’est Imamura Shohei. Pour son humour noir, que j’ai essayé de retrouver dans mon film.

Justement, à quelles étapes de la création avez-vous choisi de proposer ces moments « d’humour noir » ?

C’était présent dès l’écriture. Et je ne pense pas qu’on puisse l’ajouter après. D’ailleurs, nous avions beaucoup préparé le tournage, qui au final était assez ennuyeux dans le sens où nous tournions tout comme prévu. Les acteurs avaient du mal à imaginer le rendu final, car je faisais les choses de manière très précise et rapides. Ils se demandaient même si j’avais les compétences pour mener le projet à bien, car tout se déroulait de manière mécanique, alors que c’était mon premier film.

Quel film avez-vous vu récemment et que vous appréciez ?

Elle de Verhoeven. Ce film a ranimé ma passion pour le cinéma, et son existence me confirme que c’est pour ça que je fais du cinéma. Il y a notamment une scène près de la fenêtre, les deux personnages s’enlacent, et il y a du vent. Cette scène m’a beaucoup frappé. Je pense que c’est un film qui aurait du mal à se faire financer en Corée, mais ça m’a fait du bien de le voir.

Propos recueillis par Kephren Montoute à Paris le 25/10/2017.

Remerciements : Marion Delmas et Maxime Lauret, ainsi que toute l’équipe du FFCP.

A Taxi Driver de Jang Hoon (2017). Projeté lors de la 12e édition du Festival du Film Coréen à Paris.

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