Vous souhaitez visionner d’excellents films qui ne sont jamais sortis en salles ? Outbuster est la solution ! Et cette semaine, le site de VoD vous propose un buddy-movie fort sympathique sur fond de réunification des deux Corées, porté par un Song Kang-ho magistral : The Secret Reunion de Jang Hun.
Pour voir le film, suivez le lien !
C’est au festival de Cannes 2011 que nous avions entendu parlé pour la dernière fois de Jang Hun. Non pas à l’occasion de ce The Secret Reunion, ni à celle de l’annonce de son prochain projet, un film de guerre intitulé Battle of the Hills, mais pour des raisons extra-cinématographiques… jusqu’à ce que Kim Ki-duk en fasse le sujet d’un film. Le génial Arirang montrait en effet le réalisateur de Dream se remettre d’une dépression causée par un accident arrivé sur ce dernier film, mais aussi par la trahison de certains de ses proches collaborateurs. Il explique qu’il leur a accordé sa confiance en les faisant débuter, avant qu’ils ne le quittent dès que de plus gros studios leur offrent des cachets plus importants, et ce au milieu même de préparations de projets communs. Sans être directement cité, Jang Hun semblait être la cible de ces attaques. Le cinéaste fut en effet un proche collaborateur de Kim, qui a produit son premier film Rough Cut (ironie du sort, il s’agissait d’une satire sur la vanité dans le monde du cinéma, aussi connu sous le titre de… Movie is a Movie, mais comme on l’apprend dans Pater d’Alain Cavalier, « c’est du cinéma, donc c’est vrai ! »). Et la brouille entre les deux hommes est en partie connue. On ne s’étonne donc guère de trouver au centre de The Secret Reunion une histoire d’amitié impossible entre deux hommes, que des liens d’honneur et de fidélité poussent à la trahison, quels que soit leurs choix. Kim Ki-duk parle de ce qu’il ressent comme une déchirure personnelle de manière directe dans un bouleversant documentaire introspectif, Jang Hun utilise le polar et la comédie pour remettre en question ses interrogations personnelles sur la trahison.
Jugez donc plutôt : le film s’ouvre comme un polar d’espionnage, sur fond de tension entre les deux Corées. A l’issu d’une première demi-heure tendue comme un épisode de 24 Heures chrono, on se trouve avec Lee, un agent du contre espionnage mis sur la touche, et Song, un jeune espion Nord-Coréen grillé auprès de son pays, qui le considère comme un traitre et le force à l’exil. Six ans plus tard, les deux hommes se retrouvent, se reconnaissent, mais feignent le contraire. Ils commencent à travailler ensemble dans le but de surveiller les agissement de l’un et de l’autre. Et les voici tous deux devant un casse-tête relationnel impossible à résoudre : alors que des liens d’amitiés naissent entre nos protagonistes, chacun veut retrouver son ancienne position. Lee doit alors arrêter l’espion en cavale mais ne veut le trahir, le Nord-Coréen ne veut ni laisser tomber son nouvel acolyte, ni son pays. On sent alors l’implication du réalisateur dans ces dilemmes impossibles, qui résonnent de bien étrange façon avec son parcours personnel. On regrettera d’ailleurs dans cette optique un final assez rapide et convenu, loin d’apporter une réponse satisfaisante aux questions posées.
Ne nous y trompons pas, cette lecture personnelle (une autre plus politique serait aussi possible, mais arrêtons là avec les interprétations méta-cinématographiques) n’empêche en rien The Secret Reunion d’être avant tout un efficace divertissement, qui réussit surtout à faire mouche dans le registre comique. Après l’introduction en mode action non stop, le film effectue un virage à 180 dégrées comme le cinéma coréen en a le secret pour se transformer en buddy-movie humoristique, et accumuler les situations cocasses avec une belle légèreté. Certes, dans la dernière demi-heure, le film termine sa rotation pour clore la partie espionnage de manière plus réaliste et mouvementée (sauf les cinq dernières minutes, donc), mais l’heure centrale est une appétissante digression avant tout comique.
Car The Secret Reunion dispose d’une arme de choc pour réussir cette partie centrale : le très grand Song Kang-ho. Ce n’est pas compliqué, pour réussir un film avec Song Kang-ho, il suffit de le filmer. L’excellence de sa filmographie peut laisser croire que le talent du réalisateur y est pour quelque chose, vu que le bonhomme a travaillé avec une liste de cinéastes impressionnante (Park Chang-wook, Lee Chang-dong, Kim Jee-woon, Boon Joon-ho, et même Hong Sang-soo dans le liminaire Jour où le cochon est tombé dans le puits ; mis à part… Kim Ki-duk, il apparait dans les films de toute la poignée de cinéaste dont les œuvres arrivent au cinéma en occident !!!). Mais non ! Jang Hun prouve qu’il suffit de laisser tourner la caméra devant l’acteur qui fait son show et il est alors difficile de rater son coup. Pour preuve, les scènes les plus hilarantes le voient faire le clown et se mettre tout seul dans les situations les plus improbables (il se menotte, provoque une bande de bandits, etc.), et ça marche ! Song Kang-ho fait parti de cette poignée d’acteurs, comme Bill Murray ou Johnny Depp, sur lequel on peut faire tenir un film. Leur décontraction grandiose assure sans effort de la part du réalisateur de grands moments de roue libre en suspension.
Face à lui, Kang Dong-won, que l’on a vu plus joyeux dans Woochi, donne la réplique sans génie, avec une sobriété un peu appliquée. Mais qu’importe ! Song Kang-hoo emporte tout et magnifie ce sympathique buddy-movie, qui se voit avec un plaisir non dissimulé.
Victor Lopez.
The Secret Reunion de Jang Hun. Corée. 2010.
Disponible sur Outbuster. Plus d’informations ici !
Disponible en DVD et Blu-Ray, édité par Elephant Films.