Le film de la semaine : Taklub de Brillante Mendoza (en salles le 30/03/2016)

Posté le 27 mars 2016 par

Depuis Captive en 2012, point de sortie française pour les films de Brillante Mendoza. Mais le réalisateur philippin est de retour avec Taklub, présenté dans la sélection Un Certain Regard à Cannes en 2015, et qui débarque le 30 mars sur nos écrans.

Le « cinéma-vérité » de Brillante Mendoza n’a jamais été comme les autres. Loin du courant « poverty porn » (le porno de la pauvreté) qu’il a créé malgré lui aux Philippines, il a su se fabriquer un univers bien à lui fait de bruit et de fureur, mais aussi de poésie et d’humour absurde. Au plus près des corps, au plus près des âmes, il touche au sublime dans un style quasi-documentaire. Ces gens désœuvrés qu’il filme sans fard deviennent, le temps d’un film, les héros malgré eux d’un poème douloureux.

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Taklub signe le retour de Mendoza à cet état de grâce, après l’épisode malheureux Sapi, film d’horreur raté dans ses grandes largeurs. Le cinéaste s’intéresse ici au village de Tacloban après le passage du typhon Hayan. Les corps sont meurtris, les paysages et les habitations dévastés. La catastrophe encore fraîche dans les esprits s’insinue partout dans le cadre. Des bateaux en ruine, une voix à la radio, tout rappelle que le typhon a détruit la vie de ces gens. L’après est douloureux, le typhon n’étant qu’une épreuve de plus dans la vie de ces pauvres hères qui se battent chaque jour pour leur survie.

Le film commence par un feu, la suffocation d’une famille dans une tente. La catastrophe est derrière eux mais les survivants étouffent toujours. « Pourquoi nous abandonnes-tu ? » crie un père à sa fille mourante dans une complainte déchirante, une phrase qui pourrait résumer à merveille ce sentiment qui étreint à la vision de Taklub. Ce peuple semble abandonné de tous, même des dieux.

Julio Diaz as Larry in 2015 Drama Film Taklub by Brillante Mendoza about Typhoon Yolanda Supertyphoon Haiyan

Le récit suit plusieurs personnages de manière assez dynamique. Nora Aunor, déjà magnifique dans Thy Womb (2012) incarne encore avec sensibilité une mère de famille qui tente de comprendre, d’aider. Elle est la tête d’affiche, la star, mais elle s’efface souvent pour laisser la place à de magnifiques personnages, des jeunes qui tentent de se reconstruire ou un homme qui porte (littéralement) sa croix. Renato, seul survivant du drame initial, reste le personnage le plus marquant. Impossible d’oublier son regard quand la pluie se met à gronder et qu’il croit revoir le tsunami.

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Il reste du monde dans ces quartiers délabrés et meurtris, pourtant on a l’impression que tous sont des fantômes. Ils continuent de vivre malgré tout, mais leur présence ne semble plus la même, leur regard non plus. On a beau connaître les mécaniques, les fondations du cinéma de Brillante Mendoza, impossible de résister à la pertinence et à l’émotion qui se dégagent de Taklub. Les personnages allument sans cesse des feux, des bougies, comme pour montrer qu’au milieu de l’horreur, de la misère, il y aura toujours un espoir. Le cinéaste philippin demeure un des seuls au monde à pouvoir restituer une telle situation, de tels personnages, avec autant de force.

Jérémy Coifman.

Taklub de Brillante Mendoza en salles le 30/03/2016.

SÉANCE EASTASIENNE AU CINÉMA LES 3 LUXEMBOURG LE 30 MARS 2016

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