Lyudmila Pavlichenko, née en 1916, fait partie des 2000 femmes tireurs d’élite que l’URSS envoie au front contre les nazis. Héroïne de la guerre pour avoir tué 309 soldats nazis, elle est envoyée au Canada et aux Etat-Unis pour demander de l’aide, et est le premier citoyen soviétique à être reçu à la Maison Blanche. Cette femme, impressionnante à bien des égards, se voit donc mise à l’honneur par ce film, et Seven 7 nous permet de le voir dans d’excellentes conditions grâce à cette très belle édition Blu-ray.
Sergei Mokritskiy n’a que trois films à son actif, en comptant ce Résistance. Pour se lancer dans ce projet d’envergure, il est épaulé par cinq scénaristes et une actrice d’exception. En effet, Yulya Paresild, qui incarne Lyudmila, porte littéralement le film sur ses épaules. Et cette jeune actrice parvient à faire ressortir la complexité du personnage, mettant en avant sa beauté (elle est inoubliable) mais aussi sa force de caractère, qui confine parfois à la folie quasi-suicidaire. Et ainsi, cette femme, qui a plongé dans la violence de cette guerre et causé la mort, comme tireur d’élite, de 309 soldats, ne peut s’en sortir avec la psyché indemne. A ce titre, Résistance (titre français raté de Bitva za Sevastopol) est tout simplement parfait.
Le film fait des allers-retours entre la visite de l’héroïne aux Etats-Unis, où elle essaie de trouver de l’aide pour lutter contre Hitler, et sa vie avant la guerre jusqu’à son point d’orgue, la terrible bataille de Sébastopol. Résistance est, en effet, raconté par Eleanor Roosevelt, qui n’aura jamais oublié sa rencontre avec la jeune femme, ni son terrible parcours.
Ainsi, Résistance est tout autant un film de guerre qu’un film sur la guerre. Il nous montre, bien entendu, plusieurs affrontements, que ce soit l’attaque de l’aviation de bateaux transportant des troupes (et défendus par l’aviation russe), les luttes de sniper, et les astuces déployées par Lyudmila pour dévoiler le sniper adverse et l’abattre, les massacres, les bombardements. A ce titre, le film se révèle tendu, brutal, n’édulcorant ni la sauvagerie des combats, ni ce qu’il fait au corps et à l’âme (voir les blessures sur le corps de l’héroïne ne peut que provoquer un pincement au coeur). Mais il dévoile aussi tout ce qui tourne autour de la guerre. On y comprend ainsi comment et pourquoi l’héroïne s’est engagée, mais surtout, on y voit les discussions entre officiers, la protection des documents passant avant les vies humaines, et la déshumanisation de Lyudmila qui devient un symbole nécessaire.
Pourtant, Résistance n’en est pas moins un film très humain, traversé par l’amour. Le souffle et la beauté de ce sentiment teintent tout le film, alors que Lyudmilia ressent des sentiments qui tourneront au tragique avec chacun de ses officiers, qui finiront par mourir de manière abominable, aidant à déshumaniser la jeune femme qui ne voulait que défendre son pays. Pourtant, c’est malgré tout l’amour qui la sauvera in-extremis.
Résistance n’est certes pas dénué de défauts. Ainsi, le final ne lésine pas sur le pathos, mais pourtant, Sergei Mokritskiy s’en sort plutôt bien. En effet, en créant un film autour d’un telle héroïne de la Seconde Guerre mondiale, il était à craindre un patriotisme trop exacerbé, qui est absent du film. Eleanor Roosevelt raconte son parcours, et ainsi, le spectateur perçoit sa compassion, et son désespoir, car les hommes auraient dû la protéger et non l’inverse. Mais Résistance est assez honnête envers l’URSS et envers les choix de son armée et de son état-major, évitant ainsi le patriotisme trop poussé.
Résistance est un très beau film de guerre, positionné du côté russe, ce qui serait suffisant pour mériter d’y jeter un œil. Mais, avec ce portrait juste d’une héroïne du conflit des plus atypique, et grâce à tous les sentiments qu’il parvient à distiller dans les deux heures que durent le film, tout en n’oubliant pas de montrer les combats, Résistance devient un film presque essentiel, qui mérite vraiment que l’on s’attarde sur lui.
En bonus, Seven7 ne donne aucun supplément sur le film, mais opte pour un documentaire de deux heures sur la Seconde Guerre mondiale, choix très intéressant, même si une interview du réalisateur et surtout de l’actrice principale, aurait mérité d’être présent.
Yannik Vanesse
Résistance, de Sergei Mokritskiy. 2015. Russie. Disponible en DVD et Blu-ray chez Seven7 depuis le 18 janvier 2016.