Elephant Films est connu pour les nombreux films asiatiques qu’ils éditent en France. Ce nouveau venu de leur catalogue, arrive directement de Corée, et se révèle être un thriller des plus particuliers.
Sur le papier, le réalisateur et scénariste de Terror Live propose un film des plus classique. Un terroriste tient la ville et le gouvernement en otage, en ayant disséminé plusieurs bombes sur un pont empli de monde, et contacte un journaliste radio pour faire entendre ses doléances et obtenir des excuses du président. Le journaliste y voit immédiatement le scoop du siècle, et l’occasion de reprendre sa place au journal de 20h.
De même, les thématiques que déploient Kim Byeong-woo sont elles aussi classiques. Ruggero Deodato, dans son chef d’oeuvre Cannibal Holocaust, parlait déjà du désir de la presse de faire le scoop ultime, au détriment de toute déontologie. Et c’est sans surprise que le spectateur découvre que le terroriste n’est pas le méchant ultime, et que le gouvernement coréen est effroyablement pourri, bien peu préoccupé par la survie des otages. Ce dernier point, voyant le réalisateur critiquer son gouvernement, est une bouffée d’air frais, après tous les films où le spectateur découvrait que le méchant était un vil américain manipulant un président cherchant à faire le bien.
Ainsi, le message de Terror Live est très classique et prévisible, mais ancré dans l’actualité. Kim Byeong-woo décide cependant d’en faire une série B tendue et passionnante, plutôt qu’un thriller politique. Et grâce à cette tension, il arrive à garder l’intérêt du spectateur jusqu’au final. Le pari est osé et sévèrement dangereux, car le réalisateur, qui se met derrière la caméra pour la troisième fois, opte pour un des genres les plus difficiles, le huis-clos en quasi temps réel. En effet, tout se passe dans la salle de l’émission de radio, et le cinéaste fait tout pour donner l’impression qu’il n’y a aucune ellipse temporelle. Le présentateur est assis, converse au téléphone avec le terroriste, voit ce qui se passe dans la salle voisine, et c’est à peu près tout. En effet, les seules images provenant du pont, des attaques de bombes et autres, viennent des télévisions, ou de la fenêtre, alors que le présentateur regarde, médusé, la première attaque.
Le réalisateur parvient cependant à maintenir la tension et l’intérêt, et à déployer une intrigue sans temps mort, soignant ses rebondissements. Les révélations de l’intrigue viennent à point nommé, et les échanges entre le héros et son patron, ou avec la police, sont aussi tendus que des gunfights, quand le présentateur comprend que les motivations de la police ou de sa hiérarchie sont bien éloignées des siennes ou des otages coincés sur un pont en train de s’effondrer. Durant le film, le spectateur découvre l’autre point positif, en la personne de Ha Jung-woo, qui incarne le présentateur. Tout le temps à l’écran, il porte le film sur ses épaules, et réussit le tour de force de développer un personnage très crédible qui, tout d’abord, ne pense qu’au scoop mais qui va fort logiquement évoluer, en même temps que les sentiments du spectateur envers le terroriste. Impossible, au fil du film, de ne pas ressentir de l’empathie et de ne pas s’identifier quelque peu au personnage.
Tout n’est pas parfait, bien entendu, car le final est prévisible, et la toute puissance du terroriste trop bis pour un film aux thématiques aussi sérieuses, mais la maîtrise du huis-clos et l’intensité du film remportent facilement l’adhésion. De plus, le final va un peu trop loin en ce qui concerne l’action, avec gunfights, explosions et autre, alors qu’il aurait mérité d’être un peu plus pondéré. Cependant, Kim Byeong-woo va au bout de son propos, et ose une conclusion que le spectateur voit certes venir, mais que nombre de réalisateurs plus timorés n’auraient pas osé.
En bonus, Elephant Films propose un making of. Comme toujours, la partie où les acteurs expliquent qui est leur personnage est de trop, les spectateurs regardant en général le bonus après avoir vu le film. Cependant, voir l’acteur incarnant le producteur pourri jusqu’à l’os préciser plusieurs fois que son personnage n’est pas réaliste est amusant, tant il a l’air d’avoir peur de créer des vagues et de choquer, son personnage étant, au contraire, des plus crédibles. Le making of reste très intéressant, car il permet de voir comment ont été créés les trucages (la destruction du pont, entièrement fabriquée en studio), ainsi que la manière de filmer. Apprendre, entre autres, que les conversations entre le terroriste et le héros sont filmées en simultané, le terroriste (qui n’est qu’une voix jusqu’au final) étant dans une pièce à part, un petit écran lui montrant son interlocuteur.
Yannik Vanesse.
Terror Live, de Kim Byeong-woo, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 30 septembre 2015 chez Elephant Films