BIFFF – Roaring Currents de Kim Han-min

Posté le 4 avril 2015 par

Cette année, le Brussels International Fantastic Films Festival programme Roaring Currents, le fameux film détenteur du nombre d’entrées en Corée – 17,6 millions – surpassant de loin son prédécesseur The Host (13 millions). Le film mérite-t-il cet immense succès ?

Roaring Currents est une machine de guerre. Ou plutôt un film de guerre en costume qui exalte un fait historique de la Corée : la bataille de Myong-Yang, une bataille navale opposant le 26 octobre 1597 les marines japonaises et coréennes. La flotte coréenne commandée par l’amiral Yi Sun-sin remporta une victoire décisive malgré sa forte infériorité numérique : 12 navires contre plus de 300 navires. David contre Goliath. Le film s’attache donc à montrer la bataille navale et les jours précédents. Il commence par la réhabilitation de l’amiral Yi Sun-sin, enfermé plusieurs années par le roi pour des soupçons de trahison. Après une dérouillée de la marine coréenne par les Japonais, le roi n’a d’autre choix que de sortir Yin Sun-sin de prison et lui demander de repousser tant bien que mal par tous les moyens les assauts nippons. Entouré de quelques capitaines apeurés et de plusieurs centaines de marins démotivés, Yi Sun-sin va devoir remotiver ses hommes et trouver la stratégie adéquate

En 2011, Kim Han-min avait déjà réalisé War of the Arrows, un film d’action en costumes efficace et bien rythmé, rempli de scènes de tir à l’arc et de courses à cheval. Dans ce film, les Coréens se défendaient face aux Mandchous, en 1636. Avec Roaring Currents, Kim Han-min remonte encore plus loin dans l’histoire coréenne (1597, donc) et bénéficie d’un budget conséquent pour soigner ses décors et ses nombreux effets spéciaux… et faire incarner l’amiral Yi Sun-sin par Choi Min-sik, un des acteurs les plus en vue du moment : on l’a notamment vu jour les premiers rôles dans Oldboy, Sympathy for Lady Vengeance et Nameless Gangster. Très maquillé, Choi Min-sik est ici tout en retenue : à part manier furtivement une épée, il reste stoïque sur le pont d’un navire, se contenant de prononcer quelques répliques vaguement profondes. On l’a connu plus enjoué !

roaring currents
Le point fort du film reste sans conteste ses effets spéciaux et la bataille navale (qui dure environ 50 minutes), assez divertissante. Les points faibles sont le scénario et le manichéisme des personnages : la bataille de Myong-Yang oppose les gentils Coréens opprimés contre les affreux Japonais tortionnaires. Même entre eux, les Japonais se tirent dans les pattes pour détruire la flotte coréenne et renverser le roi. Sans foi ni loi, ils n’hésitent pas à couper le nez et les têtes des prisonniers de guerre. Tout ça dans la plus grande froideur – et en costumes bien ornementés. Roaring Currents ressemble à s’y méprendre à un tract nationaliste assez grossier. Les Japonais sont traités comme des êtres cruels comme les Arabes sont traités comme des sauvages dans les films américains. Un manque de subtilité qui n’est pas s’en rappeler les heures les plus sombres du cinéma nord-coréen.

Moins infantilisant que les films nord-coréens, Roaring Currents utilise pourtant les mêmes procédés narratifs et des personnages archétypaux dignes de l’idéologie juchéenne : les Japonais sont tous des enfoirés (c’est entendu) ; l’amiral Yi Sun-sin est l’homme fort indéfectible qui ne doute de rien et prête allégeance au Roi (même si ce dernier l’a jeté en prison) ; un des capitaines coréens n’est qu’un pleutre qui doute du roi (son sort est vite scellé) ; au contraire, un autre capitaine vaincra sa peur (et luttera pour son pays) ; les marins se sacrifient les uns après les autres ; le peuple soutient de loin la flotte coréenne. Bien sûr, Roaring Currents n’est pas aussi mièvre que les productions nord-coréennes, on n’entend aucune chanson à la gloire du roi… et le film manque du didactisme moral final !

Soit. Roaring Currents reste un bon divertissement visuel, surtout dans sa seconde partie. On peut tout de même le trouver moins passionnant que War of the Arrows ou un autre film historique comme le Roi et le clown de Lee Jun-ik.

Marc L’Helgoualc’h.

Roaring Currents de Kim Han-min, présenté au BIFFF 2015.

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