Enième adaptation de l’histoire des 47 Rônin, le premier film de Carl Rinsch restera quoi qu’il arrive comme un énorme gouffre financier pour le studio Universal.
Il y a quelque chose de profondément touchant dans cette itération américaine des 47 Rônin, une naïveté dans la déclaration d’amour à la culture japonaise autant que des touches d’exotisme propres à la vision occidentale du pays. On pouvait retrouver ce ton dans Le Dernier samouraï d’Edward Zwick avec un Tom Cruise conquérant apprenant autant les coutumes d’un pays qu’un véritable sens de l’honneur et du partage à ses collègues samouraïs.
Le film de Carl Rinsch est traversé d’une autre tonalité, plus révérencielle. Kai, le personnage principal, interprété par un Keanu Reeves toujours aussi expressif, est un membre extérieur au clan. De sang mêlé, il ne récolte que l’indifférence et le rejet. Il vit en reclus dans une petite cabane en forêt. Mais il apprend les coutumes du clan, reste totalement dévoué, tend toujours l’autre joue. Il accepte son statut de non japonais, donc son destin. Evidemment, Kai arrive quand même à séduire la fille du chef de clan et se montre un meilleur homme que tous ces samouraïs un peu méchant. Le personnage devient le symbole d’un film qui tente maladroitement de déclarer sa flamme à un pays et une culture. Cette posture rend le long métrage plus aimable, même s’il est difficile de passer outre ses défauts
47 Rônin est un joli livre d’images aux accents de contes fantastique. Rinsch place son récit dans un Japon féodal aux mille légendes, plein de monstres mythologiques et de sorcières menaçantes. Ce parti pris surprend de prime abord, pour ensuite devenir plus acceptable. On sait l’histoire des 47 Rônin enjolivée avec le temps. Du fait historique, elle est devenue une légende. Rinsch propose donc sa version du mythe prenant plus racine chez Miyazaki que chez Mizoguchi.
Mais malgré toute la bonne volonté du monde, une photographie soignée et des décors somptueux, 47 Rônin contrairement à Kai, n’arrive pas à s’affranchir totalement de sa structure totalement américaine et de son mode de production qui ne laisse que peu de place à la surprise. Les Japonais parlent anglais, la musique est omniprésente et le rythme ne parvient qu’à de très rares occasions à décoller. 47 Rônin malgré sa bonne volonté ne remplit pas son objectif premier : divertir. Les morceaux de bravoure tombent à plat (hormis une belle scène d’assaut nocturne), Keanu Reeves se fait voler la vedette par un Sanada Hiroyuki toujours aussi charismatique et les dialogues et situations restent d’une platitude parfois affligeante. Pis, il n’y a pas une goutte de sang dans cette histoire qui se veut quand même plus que violente. La classification en PG-13 du film aux USA est un argument que Rinsch et la production n’auraient pas dû prendre en compte. En résulte une drôle d’impression quand on assiste à des batailles au sabre et autres seppuku sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée.
Il n’y a finalement aucune surprise dans ce 47 Rônin qui ne méritait surement pas une telle débâcle (38 millions engrangés aux Etats-Unis pour un budget de 175 millions). C’est le genre de film qu’on a finalement envie de défendre un peu, mollement, pour le geste, parce qu’il n’y a pas grand-chose au-delà de sa bonne volonté et d’une direction artistique au-dessus de la moyenne.
Jérémy Coifman.
47 Rônin, de Carl Rinsch, en salles le 02/04/2014.