Edito – A propos des Chiens errants de Tsai Ming-liang

Posté le 11 mars 2014 par

Si le film terrasse sur l’instant, il se pourrait bien que Les Chiens errants de Tsai Ming-liang reste comme un des films les plus marquants et réussis de l’année.

Les personnages des Chiens errants ont été laissés en marge de la société. Il n’y a plus beaucoup de places pour cette famille que la vie continue de frapper inlassablement. Pourtant, il y a un lien fort qui les unit, une tendresse dans les moments partagés. Les chiens errants de Tsai Ming-liang, ce sont des hommes. Le réalisateur s’intéresse à cette misère sociale qui laisse sans ressources, sans véritable espoir, forçant à vivre dans la peur et le doute perpétuel. Pour cela, le cinéaste choisit la pesanteur. Il étire ses plans au maximum, parfois au-delà des 15 minutes. On ressent la douleur de ses personnages, on partage leur ennui, leur désespoir. Peu de mouvements, de dialogues, tout se concentre sur les visages et l’expression de ceux qui n’ont plus rien. Par sa mise en scène, son sens de l’épure, Tsai donne corps à la vacuité de l’existence des personnages et met par la même occasion son spectateur à rude épreuve.

les chiens errants

Les Chiens errants est une expérience très difficile. D’une part parce que le drame est rude, mais également parce que le film ne fait aucune concession. Il joue des répétitions d’un quotidien misérable, entre les plans fixes sur l’homme qui tente de gagner sa vie (il est «panneau humain » sur une route près d’un pont), un supermarché, un immeuble en ruine , des longs moments de silence.  Le monde dépeint par Tsai Ming-liang est une prison étouffante à ciel ouvert. Pire, ils ont l’air abandonné de tous. Le cinéaste se recentre sur ses « chiens errants » et livre ce qui pourrait parfois s’assimilé à un récit post-apocalyptique tant ces êtres semblent bien seuls au monde.

Si la langueur ne rebute pas et qu’on se laisse porter, Les Chiens errants offre des instants de grâce assez inouïes. Tellement beau qu’il en devient hypnotique, nous plongeant par la durée de ses plans et la force évocatrice de ses tableaux dans une sorte de stase de 2h17, le dernier film de Tsai Ming-liang est une éblouissante réussite.

Jérémy Coifman.

Les Chients errants de Tsai Ming Liang. Taïwan. 2013. En salles le 11/03/2014.

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