Après une diffusion au Cycle Shadows consacré au cinéma indépendant chinois, The Son of Adam de Chen Changqing, un documentaire sur les mendiants de la ville Xi’an, récemment récompensé au Festival du film indépendant de Beijing, est diffusé au Black Movie Festival.
Synopsis : Pendant près de trois ans, Chen Changqing a suivi le quotidien de mendiants de la ville de Xi’an, ancienne capitale impériale, aujourd’hui en proie à une urbanisation grandissante. Intéressé par la spiritualité et le prosélytisme de la communauté chrétienne, Chen Changqing s’attache plus particulièrement à suivre les interactions entre les mendiants et les chrétiens, prompts à leur venir en aide par le biais de maraudes ou de séances de prières collectives. Le protagoniste principal est Wang Huan, un jeune garçon de 17 ans, qui erre entre ces deux groupes.
The Son of Adam s’ouvre par une citation de la philosophe Simone Weil qui a écrit de nombreux textes sur le dolorisme et la religion. Elle est notamment l’auteur du texte L’amour de Dieu et le malheur. Le spectateur comprend alors bien vite que Chen Changqing va s’attacher à décrire les mendiants pas seulement comme des marginaux mais comme des êtres mystiques transcendant le malheur et la mort. Plus ils tombent bas, plus ils s’élèvent vers le Seigneur. Dans le film, les mendiants meurent parfois de froid mais pas de foi. Chen Changqinq mêle ainsi des scènes dures dans lesquelles des mendiants n’ont même plus la force de se nourrir à des scènes de prières désespérées.
Le mendiant est une figure largement exploitée dans l’histoire et dans l’art, de Saint Martin de Tours au photographe François-Marie Basnier, en passant par Alphonse Cornet (son tableau « Le défilé des gueux ») et Jack Kerouac (son roman Les Clochards célestes). Le mendiant est souvent mythifié et esthétisé – dans le but, comme Simone Weil l’avait deviné, de transcender le malheur mais aussi de critiquer le lucre et la jouissance des richesses terrestres. Chen Changqing reprend cette image du mendiant dans une Chine où les écarts entre les riches et les pauvres ne cessent de s’agrandir, comme dans les pays les plus développés – drôle définition du développement.
Ce qui frappe d’abord dans The Son of Adam est son esthétisme très soigné : pellicule en noir et blanc, longs et lents travelings, fondus enchaînés. Même si le film se veut documentaire, le réalisateur ne se contente pas de filmer à la sauvette en pleine rue, caméra à l’épaule. Parmi les images esthétiques, on trouve des mendiants dormant en plein hiver et en pleine rue sur des bouches d’aération, embaumés de vapeur. Avant de réaliser des documentaires, Chen Changqing œuvrait dans les arts visuels : une donnée biographique qu’on ne peut ignorer. Les images sont tellement léchées et les mouvements de caméra fluides qu’on imagine que le réalisateur a au préalable esquissé avec ses mendiants plusieurs mises en scène.
Ce qui frappe ensuite est l’absence de trame et d’évolution narratives. Le film aurait pu durer 30 minutes de plus, cela n’aurait guère changé le parcours des mendiants : toujours dans la rue à errer, trouver un toit provisoire, croiser des maraudeurs chrétiens et raconter quelques anecdotes sur leur misérable existence. Une succession de fragments de vie qui donnent au film un aspect contemplatif ; la contemplation étant un concept hautement spirituel et artistique : le spectateur assiste à la fois à un dialogue étonnant avec Dieu et regarde en plans larges la grandeur tentaculaire de la ville de Xi’an, ses terrains vagues, ses autoroutes suspendues et ses gratte-ciel. On en revient toujours au Ciel.
Quelques informations sur le réalisateur : Chen Changqing est né dans la province du Shaanxi en 1971 et a commencé à réaliser des documentaires en 2004. Ces œuvres ont été présentées à la 9ème édition du Festival du film indépendant de Beijing (BIFF) ainsi qu’à la 6ème édition du Festival visuel multiculturel du Yunnan (Yunfest).
Marc L’Helgoualc’h.
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