Après son Lion d’or à Venise , Pietà, le film choc de Kim Ki-duk, qui divise la rédaction, arrive en salles aujourd’hui. Par Jérémy Coifman.
Jusqu’où peut aller le cycle de la violence ? Où s’arrête la haine et quand commence la rédemption ? Le nouveau film de Kim Ki-duk dérange fortement. De par son premier acte complètement révoltant, révulsant, on en vient à se demander si le réalisateur ne verse pas dans la complaisance la plus totale. Kang-Do (Lee Jung-Jin) travaille pour la mafia, récolte de l’argent, broie des os et des vies pour gagner la sienne. La Corée de Pietà est sans pitié, sans espoir. Elle est froide, sale, métallique, comme le regard de cet homme qui ne semble avoir aucune perspective, si ce n’est celle de broyer la vie des gens pour combler un vide.
Ce vide, c’est l’absence. La haine que déverse ce personnage n’a d’égale que celle que l’on ressent presque immédiatement pour lui. Kim Ki-duk provoque un malaise diffus, pesant et tenace. En choisissant de ne pas juger ses personnages, le réalisateur nous place face à un lourd dilemme. Nombreux ont choisi de quitter la salle ou de pousser des cris, Piéta étant de ces films qui provoquent indignation autant qu’ils fascinent.
Pietà introduit le personnage d’une mère absente, quasi fantomatique au début, qui se révèle être un personnage tout aussi meurtri que son fils, avec qui elle tente de renouer après des années d’absence. Le deuxième acte peut commencer, c’est le début d’un tout autre film. Dans sa structure, sa forme et son côté provocateur, Piéta ressemble beaucoup à Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Le cycle de la violence de la première partie, l’électrochoc, la quête de rédemption du dernier acte : on touche aux mêmes thèmes. Il y a la même douleur insondable, la même haine contre un ennemi invisible, contre tout, contre rien. C’est là que Pietà devient bouleversant : dans cette absence totale d’espoir, dans ce gris ambiant, cette profonde dépression dans laquelle les personnages sont pris. Absolument tous sont prisonniers de leur condition, aucune échappatoire n’est possible. Kim Ki-duk choisit d’enfermer les personnages dans une bulle de malheur, une spirale de violence et de haine. Même quand les choix peuvent être différents et que la volonté des personnages est plus forte que la haine, c’est le destin qui se mêle au quotidien. Le film transcende son statut de film social pour se transformer en véritable tragédie.
Le malaise persiste quand l’indignation du début s’efface. Les personnages, même s’ils demeurent quelque peu incompris ont, eux aussi, transcendé leur condition pour devenir des icônes, symboles d’un pays où tout semble bien terne, bien loin de l’image d’une Corée du Sud pop et acidulée que l’on nous sert à longueur de journée actuellement.
Pietà n’a visiblement pas fini de diviser public et critique, preuve sans doute que l’on a affaire à un film important en cette année 2013. Quelques choix scénaristiques maladroits et un partie pris qui peut paraître fortement complaisant, empêchent le dernier né de Kim Ki-duk de lui aussi transcender son statut de brûlot incandescent et ne pourrait demeurer au final qu’un film expiatoire pour un réalisateur lui aussi en quête de rédemption.
Jérémy Coifman.
Verdict :
Piétà de Kim Ki-Duk, en Salles le 10 avril 2013. Pour l’avis négatif sur le film c’est par ici !