Key of Life de Uchida Kenji (Kinotayo 2013)

Posté le 3 février 2013 par

Un échange d’identité entre un yakuza amnésique et un jeune acteur raté et suicidaire. Une executive woman ayant planifié de se marier dans deux mois mais qui n’a pas encore trouvé avec qui. Agitez le tout, secouez bien… et voilà une comédie cynique et réjouissante, bourrée de rebondissements, signée Kenji Uchida. Un des meilleurs moments du festival. Par Aiko.

key-of-life-2012

Sakurai, jeune acteur au chômage, sans famille, sans argent, sans talent, rate tout… même son suicide. Alors, quand le hasard lui glisse aux pieds la clef de casier d’un inconnu venu malencontreusement s’assommer sur le carrelage d’une maison de bain, la tentation est trop forte d’abandonner sa vie misérable et il endosse l’identité de l’inconnu. Mais en inspectant son luxueux appartement, les armes, les piles de cartes d’identité, les déguisements, l’argent qui transpire de tout cet environnement, il réalise qu’il vient de chausser les bottes d’un membre de la pègre, pis, d’un redoutable tueur… Pendant ce temps, ce dernier, Kondo,  se réveille à l’hôpital, complètement amnésique, et reçoit « ses » affaires – la clef du studio miteux de Sakurai, un jean usé, une chemise à carreaux, et de la petite monnaie. Alors que Sakurai tente maladroitement de répondre aux demandes adressées au yakuza, Kondo, volontaire, méthodique et travailleur, décide de faire front, et tout en étudiant ses cours de théâtre, passe des castings pour décrocher un emploi…


Key of Life par Kinotayo

Key of Life est un vrai régal, qui a reçu l’Award for Best Screenplay au Shanghai International Film Festival 2012. Mais Kenji Uchida n’en est pas à son coup d’essai. Son arrivée sur la scène cinématographique japonaise s’était fait remarquer avec A Stranger of Mine, excellente comédie à la Pulp Fiction sortie en 2005, qui avait raflé 3 prix. Il avait récidivé en 2008 avec After School, surprenant mélange de comédie et de thriller, au scénario peut-être un peu trop torturé pour son propre bien.

Avec Key of Life, il atteint l’équilibre qu’il avait recherché jusqu’à présent, entre un scénario astucieux et bien ficelé, des répliques d’un naturel hilarant et d’authentiques moments d’émotion. Jugez plutôt.

KEY-OF-LIFE-2012.mp4_snapshot_01.11_[2012.11.05_23.32.33]

 

Une ravissante jeune femme habillée d’un tailleur strict (Hirosue Ryoko)  range méthodiquement des documents et une trousse dans les tiroirs de son bureau, ferme son organiser bourré d’annotations et de post-it, puis nettoie la surface immaculée de son bureau avec un aspirateur à main. Elle se lève, distribue à son équipe installée sagement en rang d’oignons en face d’elle le planning du mois avec ses directives, et annonce sur le même ton qu’elle va se marier. Une des employées demande timidement qui est l’heureux élu, elle répond « Je ne sais pas encore ». La conclusion de la discussion est une mobilisation de ses collègues pour lui trouver un prétendant, et une définition des deadlines pour le recrutement du candidat, faire connaissance, et organiser le mariage…

Dès le départ, le ton est donné.Key_Of_Life-005

Qui n’a pas rêvé dans des circonstances difficiles d’avoir l’opportunité de changer de vie ? Surtout quand cette vie ressemble à celle de Sakurai, auquel Masato Sakai prête une gaucherie touchante. Mais même quand le destin vous donne littéralement la clé de la vie d’un autre, ce n’est pas facile de l’endosser… et la maladresse de Sakurai se transforme en avalanche de gaffes confinant à l’absurde alors qu’il tente de se faire passer pour Kondo, le tueur impitoyable, la terreur invisible des bas-fonds.

On rit beaucoup dans cette comédie de « Vis ma vie », pleine de liberté, de fraîcheur et de fantaisie, où une bonne partie du sel du scénario provient de voir comment les deux principaux protagonistes – aussi différents qu’il est possible, de Kondo (Kagawa Teruyuki), le tueur froid, méthodique et organisé, à Sakurai (Sakai Masato), le bon à rien traîne-savate – se tirent des situations abracadabrantes dans lesquels ils sont embarqués bien malgré eux.

Au-delà du comique des situations, la question qui est posée, c’est celle de l’inné et de l’acquis : dans quelle mesure sommes-nous responsables de ce que nous sommes et de ce qui nous arrive ? Dans quelle mesure sommes-nous capables de nous auto-suggestionner ? Jusqu’où jouons-nous un rôle, conscients ou non?

Dans une scène mémorable, Kondo – toujours amnésique et persuadé d’être Sakurai – exprime avec un pathos déchirant les raisons du suicide qu’il n’a pas commis…

KeyOfLife

Cette philosophie est servie à la perfection par le jeu des acteurs. Si la performance de Sakai Masato est crédible mais assez prévisible, il faut souligner la performance impeccable et l’humour à froid de Kagawa, qui passe avec une virtuosité bluffante du tueur froid, méticuleux et paranoïaque à l’acteur misérable, dépressif et émotif. Le contraste fonctionne parfaitement pour déclencher l’effet comique. Hirosue Ryoko, parfaite dans le rôle de la femme d’affaire hyper active en manque sentimental, rajoute une touche délicieuse et malicieuse dans ses interactions avec l’étrange duo.

En conclusion, les personnages sont excellents, croqués avec vivacité et truculence, d’autant plus vivants qu’ils sont imparfaits. On va de surprise en surprise, avec des détours et des ressorts inattendus, tant au niveau du scénario que de la psychologie des personnages, avec un mélange détonnant de drôlerie et de cynisme qui fait aussi découvrir des aspects inattendus de la société japonaise… Une des meilleures comédies depuis longtemps.

Verdict : Une comédie légère et enlevée, pleine de fraîcheur et de fantaisie, où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Les acteurs sont excellents, les personnages bien croqués, le scénario bourré de quiproquos et de rebondissements.  Dommage que ce film ne fasse pas partie de la sélection !

709270Sugoicopier

Aiko.

Key of Life de Uchida Kenji était présenté au Festival du film japonais contemporain Kinotayo 2013.