Poursuite de la rétrospective du réalisateur japonais Sōmai Shinji avec Typhoon Club, l’une des œuvres les plus reconnues du cinéaste. Deux heures plus tard, nous sommes en face d’un monument du cinéma japonais qui restera ancré durablement dans l’esprit cinéphilique du spectateur. Par Julien Thialon.
Sōmai Shinji est un réalisateur très apprécié au Japon. Pourquoi ? Dans toute sa filmographie, il soulève les vrais problèmes sociaux des Japonais qui perdurent encore pour la plupart aujourd’hui. Dans Typhoon Club, il y aborde de nombreuses thématiques avec comme fil conducteur la mise en exergue de cette jeunesse cloisonnée, incomprise et abandonnée par les adultes dans une école en pleine campagne. Le temps d’un typhon, ces jeunes adolescents vont se libérer, chacun à leur manière, avec excès et insouciance, de ces cordes sociales et de la solitude qui les étouffent.
Le typhon représente pendant tout le film la frontière entre le Typhoon Club, ce petit groupe d’étudiants marginaux, et le monde des adultes. Ceux-ci sont aux abonnés absents ou incapables d’en assumer la responsabilité. L’éducation scolaire est quant à elle bien présente, le professeur de mathématiques en étant la pâle représentation. Compétent dans son métier, il l’est beaucoup moins comme exemple de réussite sociale, pour preuve cette descente incontrôlable de sa future belle famille dans sa classe. Il n’arrivera jamais à incarner une forme d’autorité au détriment de certains de ses élèves en manque d’affection. Les adolescents, qui jouent tous admirablement bien pendant tout le film au vu de leur jeune âge, trouvent alors refuge dans des comportements violents ou déviants. Ijime, homosexualité, pulsions sexuelles, tant de thématiques sous-jacentes chères au cinéaste qui s’incorporent parfaitement dans le récit de Typhoon Club.
L’école est assimilée à une prison (qu’il comparera ironiquement au Kinkaku-ji dans la scène finale), Sōmai aimant filmer de l’extérieur ses personnages à l’intérieur. Les fenêtres sont souvent ouvertes pour leur éviter l’asphyxie et insuffler des espoirs de liberté. Le cinéaste accompagne la douleur morale et physique de ses personnages par de très longues séquences pour mieux ressentir leur souffrance. Pour s’en libérer, ces jeunes lycéens dansent. Maladroitement mais gaiement, une joie de vivre contagieuse accompagnée en musique avec des morceaux de punk rock, de reggae ou de comptines traditionnelles autant d’instants que la mise en scène tend à rendre uniques. La caméra se rapproche peu à peu de cette liberté totale (pour mieux exploser en son cœur comme dans la première scène) où chacun se déguise ou se dévêt de son uniforme (« Adieu tristesse, adieu sinistres vêtements ») pour s’affranchir complètement et enfin jouir de la vie.
Néanmoins, Typhoon Club n’est absolument pas un film d’espoir malgré ses moments de liberté absolue. Dans sa deuxième partie, le récit suit en parallèle dans deux lieux différents le destin tragique de deux étudiants. L’une fugue dans les pluies diluviennes tokyoïtes pour un renouveau. L’autre reste à l’école et se résout à comprendre et imiter les adultes. Sōmai fera craquer rapidement la tentative de la première où elle chantonnera, pleurant à genoux dans les rues désertes de Tokyo, la même comptine que ses amis. Le deuxième, après une résignation musicale (la caméra emportant le garçon vers la scène théâtrale), mettra en scène son propre salut. Terrifiant.
Julien Thialon
Sōmai Shinji livre une œuvre bien cruelle et fataliste mais réaliste sur la jeunesse japonaise en soulignant sa fragilité. « La mort est la prémisse de la vie ».
Verdict :